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La Suisse vote sur le renforcement de Frontex, l'agence européenne des gardes-frontières

Un véhicule de Frontex en Lituanie. [Keystone - EPA/STR]
Un véhicule de Frontex en Lituanie. - [Keystone - EPA/STR]
Le peuple suisse se prononce le 15 mai sur la participation du pays au renforcement de Frontex, l'agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes. La Suisse devrait débourser 61 millions de francs et mettre à disposition une quarantaine de collaborateurs d'ici 2027.

Frontex est sous le feu des critiques pour ses activités aux confins de l'Europe. Refuser son développement pourrait toutefois impliquer une sortie de Schengen. Un risque que les Suisses ne semblent pas prêts à prendre le 15 mai, d'après les premiers sondages.

>> Lire : Les trois objets soumis au vote le 15 mai bénéficient d'un large soutien, selon le premier sondage SSR

La crise migratoire de 2015 a frappé les esprits. L'Union européenne a décidé dans la foulée de renforcer Frontex. L'agence de garde-frontières devra disposer d'une réserve de 10'000 personnes d'ici 2027. La contribution de chaque membre augmentera en conséquence. La Suisse devra débourser 61 millions de francs et mettre à disposition une quarantaine de collaborateurs à cet horizon.

Une hausse vivement critiquée par des organisations défendant les migrants. Elles ont lancé le référendum avec le soutien de la gauche. Frontex est complice de violations des droits humains, dénoncent-elles, avant d'affirmer que l'agence participe notamment aux refoulements illégaux le long de la route des Balkans. Lui octroyer plus de moyens, c'est favoriser les violences, expliquent-elles.

La politique migratoire européenne tend à une militarisation des frontières et une criminalisation des migrants, estime encore le comité référendaire. Or les Erythréens ou les Somaliens qui fuient leur pays cherchent simplement la sécurité, explique-t-il, estimant que leur droit de déposer une demande d'asile est actuellement bafoué. Et de plaider pour l'ouverture de voies sûres de migration.

>> Voir aussi les explications de Valentin Emery :

Les explications de Valentin Emery sur Frontex
Les explications de Valentin Emery sur Frontex / L'actu en vidéo / 2 min. / le 3 mai 2022

Sécurité et économie en jeu

La sécurité est aussi au coeur des arguments de leurs adversaires. Mais il s'agit de la sécurité des Suisses. Refuser la hausse de la contribution reviendrait à être exclu de l'espace Schengen, a averti la conseillère fédérale en charge de la Justice Karin Keller-Sutter avant même le début de la campagne. Un argument repris plusieurs fois depuis par les partis de centre-droit. Les conséquences seraient lourdes.

Berne n'aurait plus accès à de nombreuses bases de données européennes, cruciales dans la lutte contre la criminalité transfrontalière: policiers et douaniers seraient aveugles, mettent en garde les partisans de Frontex. Les autorités suisses devraient réexaminer les demandes d'asile déjà rejetées dans un pays voisin, car l'accord de Dublin tomberait aussi, détaillent-ils.

L'économie et le tourisme seraient fortement touchés, selon eux. Les pertes financières pourraient atteindre des milliards de francs, selon une étude publiée en 2018. Les Suisses, comme les touristes internationaux, seraient entravés dans leurs voyages, les contrôles aux frontières et les visas devant être réinstaurés. Et les relations avec Bruxelles, déjà fragilisées par l'échec de l'accord-cadre, seraient un peu plus tendues.

Mesures humanitaires trop faibles

S'il reconnaît quelques dysfonctionnements à Frontex, le camp bourgeois estime qu'il faut participer au système pour pouvoir l'améliorer de l'intérieur. Des efforts ont déjà été faits: une quarantaine d'observateurs doivent être déployés. Leur recrutement a cependant accusé du retard, critique le comité référendaire. Une lenteur également dénoncée par Bruxelles.

L'argument de la "clause de guillotine" est par ailleurs manipulatoire, jugent les opposants à Frontex. Il y a peu de chances que la Suisse soit exclue de Schengen. Un accord visant à poursuivre la coopération pourrait être conclu dans un délai de 90 jours.

En cas de victoire, les référendaires suggèrent en outre de remettre l'ouvrage sur le métier en l'accompagnant de mesures humanitaires. Ils proposent par exemple un accueil plus généreux de réfugiés, comme déjà requis lors des débats parlementaires, le renforcement des routes légales de fuite ou encore la possibilité de déposer une demande d'asile dans les ambassades.

Partisans et opposants divisés

Leurs arguments ne semblent pas tout-à-fait convaincre, y compris dans leur propre camp. Les organisations d'aide aux réfugiés ne font pas bloc derrière les référendaires. Amnesty International laisse la liberté de vote, jugeant que les dispositions attaquées ne concernent pas les conditions concrètes des migrants. L'Organisation suisse d'aide aux réfugiés lui a récemment emboîté le pas. Et la gauche est divisée entre ses idéaux altruiste et europhile.

Les référendaires pourraient toutefois glâner des voix à l'autre bout de l'échiquier politique. En retrait de la campagne jusqu'ici, l'UDC vient de recommander le soutien à Frontex.

La base du parti, historiquement opposé à Schengen, risque de ne pas suivre ses délégués. D'autant plus que les Jeunes UDC ont décidé de mener leur propre campagne contre l'agence européenne. Reste à savoir si l'alliance contre-nature de la gauche humanitaire et des conservateurs eurosceptiques parviendra à inverser la tendance.

ats/vkiss

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