Le risque de traite d'êtres humains en Suisse est bien réel pour les réfugiés ukrainiens
A Genève, plus d'une soixantaine de réfugiés en provenance d'Ukraine, principalement des femmes et des enfants, débarquent chaque jour à la gare de Cornavin, épuisés, fatigués et parfois traumatisés après des jours d'errance. Ces personnes vulnérables sont des cibles faciles pour les trafiquants d'êtres humains, alertent depuis plusieurs semaines les acteurs de l'aide aux migrants.
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Dans le centre d'accueil de la gare, les bénévoles sont parfois témoins de situations plus que suspectes, comme ce fut le cas il y a quelques jours pour une mère et sa fille.
"Ces deux dames ont été accueillies par un monsieur. Au bout de quelques jours, il leur a dit qu'elles étaient obligées de travailler pour lui si elles voulaient rester. Il ne voulait pas qu'elles s'enregistrent au centre fédéral d'asile de Boudry (NE). Nos bénévoles se sont inquiétés et leur ont conseillé de contacter la police", explique Natalia Grajek, coordinatrice du centre d'accueil des réfugiés à la gare de Cornavin, dans le 19h30.
La police cantonale genevoise confirme avoir déjà reçu neuf signalements pour des suspicions de traite d'êtres humains, essentiellement des cas de prostitution forcée, qui n'ont toutefois pas conduit à l'ouverture d'enquêtes.
Aux abords des centres d'asile
De son côté, la police fédérale (Fedpol) juge que la menace est sérieuse. "Il faut partir du principe que des criminels tentent, en Suisse aussi, de profiter sans scrupules de la situation de détresse des personnes ayant fui leur pays et de les contraindre à se prostituer ou à exploiter leur travail", analyse Florence Debois, porte-parole de Fedpol.
Des individus malintentionnés profiteraient aussi des files de réfugiés venus s'enregistrer dans les centres fédéraux d'asile. Le SEM a souhaité réagir en lançant récemment une campagne de prévention pour sensibiliser les migrants aux risques.
"On a constaté dans certains cas isolés qu'il y avait des individus au comportement un peu louche qui étaient en train de rôder autour des centres. Nous avons renforcé depuis quelques semaines les patrouilles et sensibilisé les agents à la problématique", détaille Anne Césard, porte-parole du SEM.
Attention aux aides informelles et aux réseaux sociaux
Les situations de traite peuvent aussi survenir de manière plus insidieuse parmi les milliers de propositions d'aides informelles venues de la population. Sur les réseaux sociaux par exemple, les annonces d'hébergement ou de travail pullulent, avec parfois des vraies dérives.
Sibel Can-Uzun, avocate spécialisée dans la défense des victimes au Centre social protestant, salue l'élan de solidarité de la population suisse, mais appelle à la vigilance face à ces offres informelles, qui échappent au contrôle des autorités et peuvent très mal tourner.
Une solution d'hébergement va dévier sur une situation d'exploitation totale.
"Les réfugiés peuvent ressentir un sentiment de reconnaissance à l'égard de la personne qui les accueille et ne plus parvenir à dire 'non'. Une solution d'hébergement va dévier sur une situation d'exploitation totale, où l'auteur va dire: 'Je mets à disposition une chambre, c'est donc normal que la personne que j'accueille fasse le ménage ou s'occupe de mes enfants'. C'est là où les choses peuvent se dégrader", alerte Sibel Can-Uzun.
Pour pallier les risques, les acteurs de l'aide aux réfugiés appellent à privilégier les canaux officiels et à refuser toute offre reçue dans une gare ou sur les réseaux sociaux.
Sujet TV: Flore Amos
Adaptation web: Jérémie Favre