Depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine, 4,6 millions de personnes ont déjà fui le pays, et 30'000 se sont actuellement enregistrées en Suisse, soit environ 1000 par jour. En comparaison, la Suisse accueillait un peu plus de 14'000 réfugiés sur toute l'année 2021. Ces derniers jours, des rumeurs de tensions venant des requérants non ukrainiens se sont répandues. Plusieurs associations d'aide aux migrants ont corroboré ces informations à la RTS.
Permis "S" comme sésame?
La Suisse a délivré un permis S à un peu plus de 26'000 réfugiés ukrainiens jusqu’à présent. Il permet d’obtenir une protection rapide sans passer par une procédure d’asile ordinaire. C'est une première sur sol helvétique. Regroupement familial facilité, changement de canton, abonnements généraux CCF et cartes SIM Swisscom offerts: autant de prestations dont les requérants d'asile syriens ou afghans, par exemple, n'ont pas pu bénéficier, des disparités qui alimentent donc une certaine indignation.
Karin Keller-Sutter réagit
Pour Karin Keller-Sutter, ces tensions n'ont aucune raison d'être, car le statut S délivré aux réfugiés ukrainiens est provisoire, tandis que la plupart des demandes d'asile de ressortissants non ukrainiens viseraient l'installation permanente.
"Une personne qui veut rester en Suisse de manière permanente doit montrer qu'elle est menacée, qu'il y a une persécution par rapport à son origine, sa religion, etc. Le statut S, quant à lui, est provisoire et orienté vers le retour. C'est un tout autre système. D'ailleurs, nous avons déjà des retours quotidiens en Ukraine", a déclaré la conseillère fédérale jeudi dans La Matinale.
Malgré ce sentiment d'injustice, les professionnels des centres d'accueil interrogés ont assuré à la RTS que ce qui domine parmi les réfugiés n'est pas la colère, mais plutôt le soutien et la solidarité.
Propos recueillis par l'équipe de La Matinale RTS
Adaptation web: Julien Furrer
Karin Keller-Sutter défend la politique d'asile de la Confédération
Le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) est accusé d'être une "jungle bureaucratique". De nombreux cantons sont en effet débordés et estiment que la Confédération ne fait pas sa part, qu'elle n'a pas augmenté ses capacités d'accueil suffisamment vite et qu'elle n'était pas assez préparée.
Pour Karin Keller-Sutter, la coordination au niveau suisse est très importante entre les cantons, la Confédération et les partenaires sociaux. Elle défend que "la Confédération a rapidement mis en œuvre, en Suisse et au niveau européen, ce qui pouvait être mis en œuvre, malgré qu'elle ait été confrontée à un flux migratoire inédit depuis la Deuxième Guerre mondiale".
Un impératif de sécurité à respecter
Il est aussi important, selon la conseillère fédérale, de garantir à la fois la solidarité et la sécurité. Il devient par conséquent nécessaire d'effectuer des contrôles de passeport, des prélèvements d'empreintes digitales et des vérifications dans le système d'informations Schengen pour, ainsi, "lutter contre les abus, les gens qui veulent profiter de la situation, les criminels, les bandes de passeurs". Cette nécessité de penser en matière de sécurité l'accueil des réfugiés ukrainiens serait donc à l'origine de la dimension bureaucratique du SEM dénoncée par les cantons.
Un manque d'infrastructures limitant
Enfin, elle avance que la Confédération ne possède presque pas de territoires. "Il y a le Palais fédéral et les casernes, mais à part ça, le territoire appartient aux cantons [...]. La Confédération a tout de même créé 3000 places supplémentaires, et cette répartition entre la Confédération et les cantons a fait ses preuves", conclut-elle.