Depuis le mois de mars, un étage de l'école Saint-Paul de Porrentruy (JU) accueille une trentaine de réfugiés en provenance d'Ukraine. Une congrégation de Soeurs l'a mis à disposition de l'AJAM, la structure cantonale en charge de l'asile dans le Jura.
Cet ancien internat est la première structure d'accueil collectif créée par le canton pour les réfugiés ukrainiens. Les locaux semblent confortables. "Ça répond à l'élan de solidarité qu'il y a eu", explique le directeur de l'AJAM Pierluigi Fedele,, "car quand on doit louer des centres pour plusieurs années, ce n'est pas ce genre d'offres qu'on reçoit". Le séjour ici se veut provisoire: "L'idée, c'est d'essayer de tenir un rythme de deux semaines maximum en hébergement collectif", avant de passer en appartement ou en famille d'accueil.
Le défi logistique est à la hauteur de l'afflux de personnes qui fuient la guerre. En Suisse, 40'099 personnes se sont déjà enregistrées, selon les chiffres du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM). Dans le Jura, "ces trois dernières années, on a accueilli en gros une centaine de personnes par an", précise Pierluigi Fedele. "Là, on a en accueilli 400 en moins de deux mois."
Une "cellule" Ukraine
Pour y faire face, du personnel supplémentaire a été engagé: une vingtaine d'équivalents plein temps. Le canton du Jura a également choisi de définir deux filières: une structure "traditionnelle" pour les personnes qui arrivent par le processus d'asile ordinaire et une structure dédiée aux réfugiés ukrainiens.
A Porrentruy, cette distinction se voit physiquement. A quelques minutes à pied de l'école Saint-Paul, dans un ancien hôtel un peu vétuste, se trouve un hébergement collectif dédié aux migrants issus d'autres pays. "Dès le moment où un public vient et a droit à d'autres prestations, d'un autre type, dans d'autres délais, ça peut créer des tensions, souligne Pierluigi Fedele. C'était peut-être bien de ne pas le mettre en confrontation physiquement dans les centres."
Ce qui n'empêche pas certains bénéficiaires de s'interroger. "Ethiquement, c'est difficile à expliquer, souligne un employé de ce centre. Il faut réussir à leur dire que cet élan de solidarité est pour les réfugiés ukrainiens et malheureusement pas pour eux."
"Un troisième travail"
Dans cette crise, la mobilisation citoyenne a été importante. Patrizia héberge, par exemple, du monde chez elle depuis bientôt deux mois. En parallèle, elle s'active également, avec des proches, pour trouver d'autres familles d'accueil. Ce matin-là, on la retrouve à Müntschemier, dans le Seeland bernois, près d'un ancien lieu de culte devenu logement. Une vingtaine de réfugiés ukrainiens y vivent.
"Pour ces gens-là, on fait la différence. Je pense qu'ils se sentent dans une ambiance plus familière", explique-t-elle. Mais elle ne nie pas qu'il existe des moments délicats: "Certaines familles qui ont fait ce pas, ne savaient pas vraiment ce que ça pouvait impliquer". Des tensions peuvent apparaître sur l'éducation ou la nourriture.
Chez Patrizia, le quotidien a été chamboulé: "Si on veut se retrouver entre nous, en famille, alors il faut partir". Avec sa fille, elle a d'ailleurs prévu une virée de quelques jours. "En fait, c'est un troisième travail: j'ai mon travail, ma famille, et puis les réfugiés."
Coraline Pauchard et Guillaume Rey