Une garagiste examine un moteur de voiture. [Depositphotos - SimpleFoto]
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En Suisse, plusieurs branches manquent d'apprentis

- Fin mars, 32'000 contrats d’apprentissage avaient déjà été signés en Suisse. Mais toutes les professions ne recrutent pas facilement. L'émission On en parle de RTS-La 1ère a consacré cette semaine une série de reportages aux professions qui manquent d’apprentis: boucherie, taille de pierre, coiffure, garagistes… autant de filières qui recrutent. Pourquoi sont-elles boudées?

- Ce désamour semble exister pour au moins deux raisons: d’une part, ce sont des métiers de vocation – il faut être passionné pour s’y lancer – et d’autre part, la question de l’évolution professionnelle est compliquée. Sans perspective d’évolution ou de perfectionnement, difficile de se projeter.

Sujets radio: Arditë Shabani (série complète), Mathieu Truffer (interview de Christophe Nydegger)
Adaptation web: Myriam Semaani

La coiffure

"Beaucoup de coiffeurs manquent de temps, de patience, et n’ont pas envie de former"

Au Mouret, dans le canton de Fribourg, le salon Imagine’Hair Coiffure est dirigé par Christelle Dousse, en compagnie de son apprentie Léane. "J’ai créé mon entreprise il y a huit ans. Je travaille actuellement avec une employée et une apprentie. Mon métier représente la mode et la créativité. Nous avons beaucoup d’échanges avec nos clients. Je rêvais d'exercer ce métier depuis toute petite", se souvient la coiffeuse, interrogée par la RTS. Cela fait une dizaine d’années qu’elle observe une baisse des inscriptions dans les places de formation. "Malheureusement, certaines classes ferment. Nous essayons de faire bouger les choses pour faire perdurer notre métier."

Christelle Dousse explique ce manque d’apprenties par plusieurs raisons: premièrement, un manque de formateurs. "Beaucoup manquent de temps, de patience et n’ont pas envie de former." Du côté des jeunes, le salaire et le travail pendant les week-ends est un frein. "Beaucoup préfèrent les études aux voies d’apprentissage. De plus, la concurrence (ndlr: des barbiers notamment, dont la formation ne nécessite pas de CFC) ne contribue pas à l’augmentation du salaire. Il y a de grands écarts de prix entre salons, et il est parfois difficile d’expliquer ces différences de prix à nos clients et clientes."

>> Métiers en mal dʹapprentis (1/5): les coiffeuses et coiffeurs :

Métiers en mal dʹapprenti.e.s (1/5): les coiffeur.euse.s. [Depositphotos - serezniy]Depositphotos - serezniy
Métiers en mal dʹapprenti.e.s (1/5): les coiffeur.euse.s / On en parle / 9 min. / le 18 avril 2022

La mécanique

"Le rapport à la voiture a changé dans les grandes villes"

Pour Charles Hedinger, garagiste à Sion, "il devient de plus en plus difficile de trouver de bons apprentis, capables d’aller au bout de leur formation. Il y a une concurrence de plus en plus vive entre les métiers, en plus de celle des formations académiques. Nous faisons le maximum pour attirer les jeunes dans notre branche."

Il pense également que le rapport à la voiture a changé dans les grandes villes, où les jeunes font leur permis de conduire plus tard. "Il est plus facile de trouver des apprentis dans les cantons campagnards et agricoles. Comme les jeunes font leur permis plus tôt, entre 18 et 20 ans, l’attrait pour la mécanique et la voiture est plus important."

Et attrait il y a. Les apprentis mécatroniciens Kevin, Nico et Matteo sont satisfaits de leur formation: "La mécatro, c’est la crème de l’automobile! Il y a de la mécanique mais pas seulement, on s’intéresse aussi aux véhicules électriques". Pour eux, la filière attire toujours les jeunes, mais "il y a peut-être plus d’appréhension par rapport aux véhicules électriques et à l’écologie. Dès qu'on s’y intéresse un peu, il est très facile d’accrocher à ce métier."

>> Métiers en mal dʹapprentis (2/5): les garagistes :

Une garagiste examine un moteur de voiture. [Depositphotos - SimpleFoto]Depositphotos - SimpleFoto
Métiers en mal dʹapprenti.e.s (2/5): les garagistes / On en parle / 9 min. / le 19 avril 2022

Les métiers de la Poste

"A Genève, la moitié des places d’apprentissage sont encore à pourvoir"

La Poste est la troisième entreprise formatrice de Suisse, avec plus de 1800 apprentis dans plus de 17 métiers différents. Dans la commune genevoise de Chêne-Bourg, Maria Di Marco, responsable pour la formation professionnelle Ouest et son apprentie Cynthia sont accompagnées d’un représentant de la communication de l’entreprise.

Pour Maria Di Marco, le manque d’apprentis se fait surtout ressentir dans certaines régions. "Par exemple, n’avons aucun mal à recruter en Valais et dans le canton de Fribourg, mais il y a moins de volontaires dans les cantons limitrophes comme Genève et le Jura. Par exemple cette année à Genève, la moitié des places d’apprentissage de gestionnaire de commerce de détail sont encore à pourvoir." Selon elle, ces cantons proches de la France sont plus orientés vers l’académique, et l’option de l'apprentissage n’arrive que dans un second temps. De plus, de nouveaux métiers ont également été créés dans l’informatique, mais la formation se fait à Berne.

Pourtant, l’entreprise semble avoir plutôt bonne réputation auprès des jeunes: "Souvent, nos apprentis nous envoient d’autres candidats." Cynthia, 22 ans, est satisfaite de son apprentissage, plutôt diversifié: "Chaque journée est différente, j’ai appris à être responsable et à travailler de manière indépendante. J’ai postulé pour continuer à travailler à la Poste après mon apprentissage, en tant que formatrice d’apprentis."

>> Métiers en mal dʹapprentis (3/5): les métiers de la Poste :

Des clients sont au guichet d'une Poste à Fribourg. [Keystone - Laurent Gillieron]Keystone - Laurent Gillieron
Métiers en mal dʹapprenti.e.s (3/5): les métiers de la Poste / On en parle / 9 min. / le 20 avril 2022

La taille de pierre

"Nous travaillons beaucoup dehors, été comme hiver, sous la pluie"

À Rossens, dans le canton de Fribourg, Etienne Rossier travaille en tant que formateur dans le domaine de la taille de pierre en compagnie de son stagiaire Esteban. Son entreprise compte actuellement 25 employés. Le métier de tailleur ou tailleuse de pierre est très varié: des mesures à prendre sur le chantier à la taille de la pierre en passant par les dessins techniques et l’entretien du patrimoine, il est difficile de s’ennuyer.

Cependant, il possède aussi des inconvénients, notamment physiques. "Nous travaillons beaucoup dehors, été comme hiver, sous la pluie. Malgré les progrès technologiques de ces dernières années, les machines ne font pas tout. Il faut être en forme physiquement", précise Etienne Rossier. Il pense également que l’image du CFC s’est dégradée et que les politiciens pourraient faire plus pour promouvoir les métiers de l’apprentissage.

Quant à Esteban, une fois son stage terminé, il pense postuler pour un apprentissage de tailleur de pierre.

>> Métiers en mal dʹapprentis (4/5): les tailleurs de pierre :

Berzy-le-Sec, dans l’Aisne, valorisation du travail de jeunes engages pour la protection et la renovation du patrimoine auprès des associations REMPART et ASPAM. Ici, le château et l'église romane de Berzy-le-Sec, le 24 Avril 2019. [Hans Lucas via AFP - Arthur Nicholas Orchard]Hans Lucas via AFP - Arthur Nicholas Orchard
Métiers en mal dʹapprenti.e.s (4/5): les tailleur.euse.s de pierre / On en parle / 9 min. / le 21 avril 2022

La boucherie

"Les réseaux sociaux pointent notre métier du doigt"

Sylvain Planchamps, boucher, et son apprenti Momo travaillent à Vouvry, en Valais. La boucherie Planchamps est une entreprise familiale créée en 1986. Elle compte 37 collaborateurs. L’entreprise travaille directement avec les producteurs de viande locaux. En quinze ans, le métier a évolué en même temps que les consommateurs, qui se tournent désormais vers des produits locaux et de qualité. Pourtant, la relève est difficile à trouver.

"Nous avons de la peine à trouver des jeunes motivés et qui comprennent les valeurs de notre métier. Il y a également un manque d’informations. Les réseaux sociaux pointent notre métier du doigt. Le mouvement vegan dénonce la maltraitance animale en pointant du doigt notre branche dans son ensemble, au lieu de cibler les personnes qui ne font pas correctement leur travail", explique Sylvain Planchamps à la RTS. À noter que le métier est désormais sectorisé et que les apprentis et apprenties peuvent décider d’apprendre à tuer les bêtes ou non.

Pour Momo, apprenti boucher, la formation se passe bien. En deuxième année, il s’occupe déjà du magasin, prépare la viande en laboratoire et gère les livraisons de marchandises. Il est conscient de l’image parfois ternie du métier de boucher. "Les gens ont tendance à juger. Mais en regardant de plus près comment cela se passe, les personnes en recherche d’apprentissage s’intéresseront facilement à notre métier."

>> Métiers en mal dʹapprentis (5/5): les bouchers :

Un boucher et son stagiaire. [Depositphotos - photography33]Depositphotos - photography33
Métiers en mal dʹapprenti.e.s (5/5): les boucher.ère.s / On en parle / 11 min. / le 22 avril 2022

Formation professionnelle

De moins en moins d’entreprises formatrices

Pour Christophe Nydegger, chef de la formation professionnelle du canton de Fribourg et président de la Conférence suisse des offices de formation professionnelle, les jeunes s’intéressent toujours à l’apprentissage, mais il y a de moins en moins d’entreprises formatrices. "La nouvelle génération a changé. Elle signe ses contrats d’apprentissage plus tardivement, parfois après le gymnase, et elle ne veut plus forcément travailler le week-end ou tard le soir. C’est peut-être pour cela que les métiers comme la coiffure ont plus de mal à recruter des apprentis. À l’inverse, les métiers comme informaticien ou employé de commerce ont beaucoup plus de succès. L'opinion des parents a elle aussi son importance, selon les métiers qu'ils jugent plus ou moins intéressants ou 'glorieux' pour leurs enfants", précise-t-il.

Du côté des entreprises, si la Confédération et les cantons se chargent de la promotion de la filière de l’apprentissage de manière générale, c’est aux associations professionnelles que revient le rôle de la promotion de leur propre métier, afin de le rendre attractif. "Dès qu'une association prend les choses en main et fait de la promotion, le nombre de contrats signés augmente. Malgré tout, il reste aujourd'hui près de 26'000 places d'apprentissage disponibles. Des chiffres qui n’inquiètent pas Christophe Nidegger: "C’est 2% de moins que l’année passée, mais cela correspond aux années précédentes. Beaucoup de contrats seront encore signés d’ici l'été."

>> Pas (toujours) facile de trouver des apprentis, interview de Christophe Nydegger :

Pas (toujours) facile de trouver des apprenti.e.s. [Depositphotos - monkeybusiness]Depositphotos - monkeybusiness
Pas (toujours) facile de trouver des apprenti.e.s / On en parle / 11 min. / le 18 avril 2022