La plupart des mesures prises pour endiguer la pandémie durant sa première phase ont été souvent bien acceptées dans la population, a rappelé mardi devant les médias Anne Lévy, directrice de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Mais l'analyse externe effectuée par le centre d'évaluation Interface montre aussi que tout n'est pas rose.
La Confédération et les cantons n'étaient ainsi pas suffisamment préparés à faire face à cette pandémie, estiment les analystes. La gestion de la crise, du moins dans sa première phase, n'a pas toujours été optimale. Et de citer notamment les interdictions de visites ou de sorties qui ont touché les personnes âgées ou vulnérables, dans les EMS et les centres de soins.
Ces règles strictes ont été très mal vécues et ont eu en partie un impact négatif sur la santé psychique de ces personnes. Le manque de préparation de la Confédération, des cantons et des institutions concernées est ici en partie responsable.
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La fermeture des écoles mise en cause
Les fermetures des écoles lors du confinement du printemps 2020 étaient également inappropriées, estiment les auteurs de l'analyse. Elles ont été très lourdes à gérer pour les parents, les enfants et les jeunes.
"Elles ont probablement eu des conséquences importantes sur le développement et la formation de nombreux enfants et jeunes", selon le professeur Andreas Balthasar, fondateur d'Interface.
Interrogée dans l'émission Forum de la RTS, la directrice de l'OFSP a rappelé que cette fermeture est intervenue au tout début de la pandémie. Mais après cette première vague, "on a réalisé les effets négatifs pour les enfants (…) Ensuite, on a été l'un des pays qui a le moins fermé les écoles", a-t-elle souligné.
"On a surtout pensé au début aux personnes âgées, qui habitent seules, on pensait que c'était pour elles que ce serait difficile", a reconnu Anne Lévy. "Or on a vu que c'était difficile plutôt pour les jeunes, les adolescents. C'est pour ça qu'on leur a donné ensuite beaucoup plus de liberté que pour les adultes".
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Trop de temps pour réagir
Lors de la deuxième vague, Confédération et cantons ont mis trop de temps à réagir. A cause notamment de l'absence d'une vraie stratégie nationale de numérisation des données, les services cantonaux de traçage des contacts ont été submergés. La Suisse a alors vécu une surmortalité qui aurait peut-être pu être évitée.
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L'OFSP et les cantons ont reconnu leur responsabilité partagée. "On a beaucoup appris avec cette deuxième vague. On a désormais plus d'informations, on peut réagir plus vite sur les variants et leurs effets", a assuré Anne Lévy.
La numérisation de la santé à prioriser
La numérisation de la santé est d'ailleurs un thème prioritaire afin d'être mieux préparé à l'avenir, selon le professeur Balthasar. Il faudra régler cela au niveau de la loi. Les données sont sensibles, il y a de l'argent en jeu, la politique doit être active sur le sujet.
Le système de santé suisse a toutefois bien fonctionné et a toujours fourni des soins de haute qualité. D'après les informations à disposition, il n'y a jamais eu de "triage" de patients au sein des stations de soins intensifs à cause du Covid-19.
ats/mh
Mieux se préparer pour la prochaine crise
Dans l'évaluation, cinq aspects ont été analysés en profondeur: la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons, la disponibilité et l'utilisation des données numériques, les rôles et les responsabilités dans la communication auprès de la population, l'utilisation des compétences techniques et la garantie des capacités de traitement pendant la pandémie.
Plusieurs recommandations ont été adressées à l'OFSP, afin d'être mieux préparé pour la prochaine crise. Les ressources en personnel qualifié doivent ainsi être assurées en tout temps. L'office doit s'exercer régulièrement à la gestion de crise. Au niveau fédéral, il y a des clarifications à apporter en matière de répartition des tâches.
L'OFSP doit aussi s'assurer que les différents acteurs, comme les cantons et les institutions, sont systématiquement impliqués dans les préparatifs et la mise en oeuvre des mesures.
La santé a aussi une composante psychique. Il est donc primordial que les effets indirects de ces mesures sur la population soient pris en compte et ce de manière plus importante.
Certaines de ces pistes d'amélioration, comme la numérisation, ont déjà été prises en compte durant la pandémie, soulignent encore les auteurs de l'étude. Les mesures prises en Suisse ont en outre été généralement moins sévères que dans les pays voisins, car les aspects sociaux et économiques ont été davantage pris en compte, reconnaissent-ils.
Toutes ces recommandations seront reprises dans le cadre de la révision de la loi sur les épidémies et du plan national de pandémie, précise l'OFSP. Les travaux devraient être achevés à l'horizon 2024.