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Lutter contre les stéréotypes de genre dès le plus jeune âge

Les stéréotypes de genre sont ancrés déjà dans les jeux d'enfants. Reportage dans une crèche genevoise qui veut les déjouer.
Les stéréotypes de genre sont ancrés déjà dans les jeux d'enfants. Reportage dans une crèche genevoise qui veut les déjouer. / 19h30 / 2 min. / le 26 avril 2022
À Genève, un projet pilote mené dans une trentaine de crèches propose de sensibiliser les éducateurs aux stéréotypes de genre. L'initiative s’inscrit dans le cadre d’une conférence nationale donnée mardi à Berne par la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse.

Dans la crèche de la Cigogne à Vessy, on essaye de gommer les stéréotypes de genre en éveillant l’intérêt des bambins à d’autres jeux. De manière générale, les enfants vont plus spontanément vers les objets liés à leur genre. Pour casser cette dynamique, Michela, éducatrice à la Cigogne, a imaginé une expérience.

Tout d'abord, elle place le jeu du garage et celui de la dînette dans le même espace. Puis dans un second temps, l’éducatrice s’installe près du garage, éveillant l’intérêt des filles pour qu’elles se joignent aux garçons. "Ce sont des actions d’induction qui viennent de ma part et qui se travaillent. Au début de l’année les filles ne s’intéressaient pas ou ne se sentaient pas légitimes à jouer à certains jeux. Aujourd’hui, certaines se mettent spontanément dans le rôle d’un mécanicien qui change les pneus", explique Michela mardi dans le 19h30.

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L’éducatrice utilise également des petits personnages pour construire un scénario commun. Par exemple, le petit bonhomme mécanicien a aussi besoin de manger, ce qui influence les garçons à se rendre au coin dînette. "Le projet veut aussi sensibiliser les professeurs de la petite enfance aux stéréotypes que l’on véhicule, si l’on n’intervient pas dans ce genre de situation", ajoute Michela.

Elargir les aptitudes

Le projet a été imaginé par le 2e Observatoire, un institut de recherche et de formation sur les rapports de genre, basé à Genève. "Cette question de légitimité est centrale. On va construire un certain rapport avec des jeux et des espaces, qui auront une incidence sur certaines trajectoires professionnelles.  Ce n’est pas un hasard si dans certains milieux, comme celui de la petite enfance, il y a encore une non-mixité dans les faits", analyse Bulle Nanjod, cheffe de projet au 2e Observatoire.

"Si le droit à l’égalité est acquis depuis longtemps, il est plus subtil à mettre en œuvre dans la pratique. Nous avons envie de fournir des outils collectifs et participatifs, avec lesquels les professionnels puissent s’identifier", détaille-t-elle.

Plus qu’une question sociétale, le projet permet aussi aux enfants de s’enrichir à échelle individuelle en élargissant leurs aptitudes. "En créant cette continuité entre les jeux symboliques de la dînette et du garage, le garçon a aussi accès à des scénarios qu’il peut partager avec les autres. On ouvre le champ des possibles", conclut Michela.

Une volonté nationale

Selon la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse, "une approche intégrée de la dimension de genre fait actuellement défaut dans le domaine de la politique de l’enfance et de la jeunesse en Suisse".

La commission, appuyée par l’expertise de l’association Succès Egalité Mixité (SEM), a publié un rapport qui offre un tour d’horizon des concepts, d’études et projets concrets menés sur le terrain, susceptibles de servir de modèle. Les nombreux contacts pris avec les professionnels concernés ont mis en lumière le besoin de contextualiser les initiatives prises à ce jour et d’échanger au sujet des bonnes pratiques à développer aux quatre coins du pays.

Cecilia Mendoza/saje

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