La pandémie de Covid-19 a eu un impact sur la santé mentale des enfants et adolescents
Les hospitalisations d'enfants et d'adolescents dans les cliniques psychiatriques sont en constante augmentation depuis 2012 déjà, indique l'Observatoire suisse de la santé (Obsan) dans son rapport sur la santé mentale publié jeudi.
Mais à partir de septembre de la première année de coronavirus, en 2020, la courbe est partie à la hausse. Les filles et les jeunes femmes souffrant de dépression étaient les principales concernées. Les hospitalisations suite à des tentatives de suicide ont également nettement augmenté à partir de 2017, là encore principalement chez les filles et les jeunes femmes. Aucune évolution de ce type n'a pu être constatée chez les personnes âgées de 19 ans et plus.
Hausse des appels aux lignes d'urgence
Les statistiques de la police ne font pas état d'une augmentation des tentatives de suicide au cours de la première année de la pandémie. En raison de l'augmentation des appels de conseil aux lignes d'urgence comme celle de Pro Juventute, l'Obsan estime que le nombre de cas non recensés est élevé. Il faudra attendre les chiffres des suicides de 2020 pour en savoir plus.
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En 2020, sur l'ensemble de la population, les principaux diagnostics en psychiatrie stationnaire étaient les troubles de l'humeur (32,8%), l'abus de substances psychoactives (20%, surtout l'alcool) et la schizophrénie ou les troubles délirants (16,6%).
Femmes et dépression, hommes et alcool
Les troubles sont spécifiques au genre: 37,7% des femmes souffraient de dépression. Chez les hommes, l'abus de substances - en particulier d'alcool - et les troubles de l'humeur étaient les plus fréquents, avec 27,7%.
Au total, 57'000 personnes ont été soignées dans une clinique psychiatrique en 2020, ce qui représente un taux d'hospitalisation de 6,6 personnes pour 1000 habitants. Le taux est 7,5 personnes chez les adultes et 2,8 chez les enfants et les adolescents de moins de 19 ans. Dans ce groupe, la hausse est de 6% par rapport à l'année précédente.
Un demi-million de patients
Au total, quelque 520'000 patients ont été traités dans un cabinet ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie au cours de l'année sous revue, ce qui correspond à 59 assurés sur 1000. Par âge, 32 adolescents de moins de 19 ans sur 1000 étaient en traitement, ainsi que 66 adultes sur 1000.
Ces données sont moins élevées qu'en 2019, mais entre 2012 et 2019/2020, le taux de personnes traitées a augmenté de 26%. Chez les moins de 19 ans, l'augmentation a été de 40% et chez les adultes de 25%.
En 2020, les coûts de l'assurance-maladie obligatoire dans le domaine de la psychiatrie ont atteint 2,2 milliards de francs, soit 6,4 % des 34,1 milliards de francs de coûts facturés à l'assurance de base. Depuis 2006, cette part est relativement constante.
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Les plus faibles sont plus souvent touchés
En 2020, plus des trois quarts (77,2%) des personnes interrogées dans le cadre de l'enquête annuelle sur les revenus et les conditions de vie (SILC) disaient avoir été heureuses la plupart du temps à tout le temps au cours des quatre dernières semaines.
Ces données sont toutefois insuffisantes pour mesurer les effets de la pandémie, écrit l'Obsan. Certaines études suggèrent toutefois que la pandémie a aggravé les inégalités sur le plan social et sanitaire. Ainsi, une dégradation de la santé psychique a été observée dans certains groupes défavorisés, comme les personnes à bas revenus et à bas niveau de formation ou les personnes avec des maladies (psychiques) préexistantes.
Réactions des associations
Une augmentation ressentie aussi par certaines associations, comme la Main Tendue. "On a noté une hausse des appels téléphoniques, de 7 à 12% sur l'année 2020", explique sa directrice Yaël Liebkind. "On a aussi remarqué une diminution de l'âge. C'était souvent des jeunes qui témoignaient de leur situation d'isolement ressenti avec le Covid-19. Une détresse liée à la peur d'un futur incertain, l'impression d'être coupé dans son évolution est dans sa vie sociale. Mais aussi des appels en lien avec des conflits familiaux ou des relations amoureuses."
Même constat au sein de l'association Ciao, où le nombre de sollicitations ayant un rapport avec des idées suicidaires a doublé entre 2020 et 2021. "Ce sont des fragilités qui étaient déjà présentes, accélérées par la pandémie. L'augmentation est inquiétante, mais d'un côté le Covid-19 a aussi libéré la question de la santé mentale. Sans passage à l'acte, le fait de s'exprimer sur ses idées noires peut être un filet de sécurité. Car s'exprimer permet une meilleure pris en charge", explique sa directrice Marjory Winkler.
Anne Lévy, directrice de l'OFSP, souligne dans le rapport de l'Obsan "qu'il est essentiel que les institutions, les cantons et la Confédération travaillent main dans la main pour mettre en place les mesures nécessaires afin de renforcer la prévention et de garantir la prise en charge des enfants et des adolescents. C'est là le seul moyen d'éviter des conséquences négatives à long terme".
En cas de détresse psychologique ou psychiatrique, plusieurs associations sont à l'écoute et prodiguent des conseils gratuitement et anonymement. Pour plus d'informations, consultez des sites comme La Main tendue, Pro Juventute ou Stop Suicide.
ats/mh