Modifié

Pour les réfugiées ukrainiennes, trouver un emploi est compliqué en Suisse

Les réfugiés ukrainiens cherchent du travail
Les réfugiés ukrainiens cherchent du travail / Mise au point / 10 min. / le 1 mai 2022
Alors que plus de 40'000 réfugiés ukrainiens sont arrivés en Suisse depuis le début du conflit, beaucoup sont certainement là pour longtemps, notamment des femmes, et elles souhaitent travailler pour recommencer leur vie ici. Et si elles en ont le droit, trouver un emploi est compliqué dans leur situation.

Elles s’appellent Larissa, Tatiana ou Olena. En Ukraine, elles étaient logopédiste, designer ou cheffe d’entreprise. Aujourd'hui réfugiées en Suisse, elles souhaitent trouver un travail. Mais malgré les diplômes et l'expérience, ce n'est pas sans embûches.

La langue est la première des difficultés qu'elles rencontrent. Aucune ne pensait devoir un jour apprendre le français et il faut rapidement s'y mettre, car elles en ont besoin pour trouver un emploi.

Face à l’urgence, l’Université populaire de Genève a ainsi rajouté des cours de français à son programme et ils sont pris d’assaut, toutes ces femmes étant déterminées à apprendre la langue le plus vite possible. "J’espère pouvoir parler français correctement d’ici trois mois", assure Alla, interrogée dimanche dans Mise au point.

Une part de chance

Il faut également une part de chance, témoigne de son côté Olga. Elle qui a quitté la ville de Kharkiv à la hâte fin février avec son fils confie avoir pu prendre son ordinateur portable, qui lui a été très utile pour trouver du travail.

Elle vient tout juste d’être embauchée dans une entreprise de marketing digital. Une compatriote ukrainienne, Yulia, installée ici bien avant la guerre l’a prise sous son aile: "On cherchait une secrétaire d’entreprise. Et Olga a de super compétences parce qu’elle a travaillé dans plusieurs universités. En plus, elle parle anglais. Donc, on l’a embauchée tout de suite."

Olga possède un master en chimie et doit donc s’adapter un peu. Mais, pas à pas, elle s’intègre et son fils joue déjà dans les juniors de Neuchâtel. Elle a bien l’intention de rester. "Honnêtement, je ne veux pas rentrer. Déjà parce que ma maison est à moitié détruite. Et puis j’ai perdu mon travail. En plus, à Kharkiv, nous sommes très proches de la Russie. Qui me dit que la guerre s’arrêtera un jour? Et même si cela finit, qui me dit que ça ne reprendra pas dans trois ans?"

Et la jeune femme d'insister: "Pour moi c’est un traumatisme. Et de toute façon, après l’invasion, mon fils m’a dit 'je ne veux plus jamais revenir en Ukraine.'"

De la TV aux cuisines de la Broye

A Payerne, Svitlana a de son côté effectué un essai de deux jours dans un restaurant réputé de la région. Elle se dit très nerveuse, même si elle n'est pas n’importe quelle cuisinière. En Ukraine, elle a participé à l'émission Masterchef et ses apparitions à la télévision sont nombreuses.

Stéphane Rapin, directeur du restaurant du golf de Payerne, se dit optimiste: "Elle a beaucoup d’expérience. Elle a fait des grandes choses, la première impression est très bonne."

Et pour Svetlana aussi, la bonne humeur prend le dessus et elle assure vite qu'elle se sent plus détendue, elle pour qui l'arrivée en Suisse n'a pas été facile: "La plupart des restaurants m’ont proposé de cuisiner du fastfood. Un autre m’a dit que je pouvais juste nettoyer les assiettes. Ils ne se sont pas intéressés à moi, ni à ma formation et à tous les cours que j’ai suivis. Donc, oui parfois, c’est dur."

Mais l'histoire se termine bien: à l'issue de son essai, le patron lui propose un contrat temporaire. Une chance pour elle, mais aussi pour la Suisse, confie Stéphane Rapin. Svetlana aussi se dit heureuse, même si elle devra encore s'adapter à une nouvelle culture, à de nouvelles traditions et à d’autres façon de cuisiner.

Des cas de sous-paiements redoutés

Au-delà de ces cas particuliers, des centaines de réfugiées ukrainiennes lancent actuellement des appels désespérés sur internet pour trouver un job en Suisse. Et les profils sont très variés, allant d'une coiffeuse à une coach sportive en passant par une enseignante.

D'autres proposent de garder des enfants pour 10 ou même 7 francs de l'heure. Or, s'il est tout simplement illégal de payer quelqu’un à ce tarif-là, il est probable que des employeurs abusent de la situation pour sous-payer leurs employées.

Trouver un travail pour éviter de changer de canton

Et ce d'autant plus que la quête d'un travail a un caractère urgent pour certaines. C'est le cas d'Anna, qui devra quitter Genève si elle ne trouve pas de job dans les jours à venir, à cause des nouvelles règles fédérales en matière de répartition des réfugiés. Ses enfants sont pourtant inscrits à l’école et une connaissance lui prête un petit studio.

Mais peu importe, elle a été assignée au Valais et devra tout recommencer à zéro là-bas, avec à la clé un nouveau déracinement: "Mes enfants ont déjà dû partir une fois de force depuis Kiev. Ils ont quitté leur papa, leurs grands-parents, leurs amis. Ils commencent seulement à s’habituer ici à Genève." "Je veux les protéger de ce stress", conclut-elle, espérant trouver un emploi et ainsi faire revenir l'Etat sur sa décision. En attendant, cette ancienne employée dans la finance passe ses journées à envoyer CV et lettres de motivation.

"Je n’ai jamais voulu partir de mon pays pour aller ailleurs. Mais puisque je suis ici, j’aimerais être utile à cette société en travaillant et en étant indépendante. Je ne veux pas attendre que le gouvernement suisse me donne de l’argent, ce n’est pas mon ambition", conclut Anna.

Reportage TV: Jérôme Galichet

Adaptation web: Frédéric Boillat

Publié Modifié