Cheffe de clinique aux soins intensifs pédiatriques des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), Anne-Laure Martin s'est engagée dans ce combat politique et éthique en défendant la modification législative soumise à votation.
Interrogée lundi dans La Matinale de la RTS, elle rappelle que les sondages réalisés il y a quelques années ont montré qu'entre 75% et 80% des gens sont favorables au don d'organes en Suisse. "Mais malheureusement", souligne-t-elle, "ils ne passent pas l'étape d'aller consigner leur volonté dans le registre. Il est peu utilisé, tout comme les cartes de donneur".
Il faut une meilleure adéquation entre la loi et le souhait réel de la population en général.
De fait, seules 15% à 16% des personnes ont une carte de donneur aujourd'hui. "Donc lors d'un décès, il revient aux familles de trouver quelle était la volonté présumée du défunt". Or, il n'y a chez elles que 40% d'acceptation du don. Quand elles choisissent pour le défunt, "ce n'est pas un très bon reflet de ce que l'on peut voir dans la population en général", relève Anne-Laure Martin.
Elle s'est donc engagée dans ce combat politique "pour qu'il y ait une meilleure adéquation entre la loi et le souhait réel de la population en général".
La pression reste sur les familles
Ce nouveau système de consentement présumé met une certaine pression sur la population. Certaines personnes ne vont pas exprimer leur volonté et ne pourront donc pas décider pour elles-mêmes. Mais "c'est déjà plus ou moins ce qui se passe maintenant quand les gens ne sont pas informés, n'ont pas exprimé leur volonté auprès de leurs proches", relève la praticienne.
"Si on ne retrouve pas de documentation de leur volonté, on va quand même aller voir leurs proches et essayer de retrouver quel est leur consentement présumé", assure-t-elle. "Et cette démarche-là ne va pas changer: on va toujours essayer de retrouver ce qu'aurait voulu la personne. Si ça n'a pas de sens pour le défunt selon la famille, alors ça ne fait aucun sens pour les soignants non plus".
On pourra dire non si vraiment on souhaite ne pas être donneur d'organes.
De fait, le changement de système ne va pas changer grand-chose en matière de pression exercée sur les familles. Pour elles, "peut-être que ça va être au contraire une aide de pouvoir s'appuyer sur la loi", fait remarquer la pédiatre des HUG.
Et surtout, rappelle Anne-Laure Martin, on peut se prononcer de notre vivant. "On a accès à ce registre et on pourra dire non si vraiment on souhaite ne pas être donneur d'organes. Donc le principe est conservé, simplement il est inversé. Au lieu de signaler son accord comme jusqu'à maintenant, il faudra signaler son désaccord".
Si on n'arrive pas à savoir quelle était la volonté du défunt, les organes ne seront pas prélevés.
Sur le plan éthique, chacun peut ne pas souhaiter réfléchir à la question de sa mort. "Et ça va être conservé", note celle qui est aussi représentante locale pour les questions de don d'organes. Dans le cas de personnes qui ne souhaitent pas penser à cela, "comme actuellement, la tâche reviendra aux proches lors du décès. Et si on n'arrive pas à joindre les proches ou savoir quelle était la volonté du défunt, les organes ne seront pas prélevés".
Cette question touche évidemment beaucoup à l'émotionnel. Mais en tant que soignants, dit Anne-Laure Martin, "l'approche avec les familles est vraiment très importante. Un organe n'est pas une chose, cela reste un cadeau. C'est juste la manière d'approcher cette problématique au niveau de la loi qui change".
Propos recueillis par David Berger/oang