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"Si tout le monde s'enfuit, que va devenir l'Ukraine?"

Dasha, photographiée dans le canton de Neuchâtel après son arrivée en Suisse. [RTS - Deborah Sohlbank]
Le retour de la population réfugiée en Ukraine / La Matinale / 3 min. / le 2 mai 2022
Les femmes qui ont fui la guerre sont toujours plus nombreuses à rentrer au pays. Par choix, par obligation ou les deux. La RTS a recueilli les témoignages de deux réfugiées ukrainiennes récemment parties de Suisse.

C'est le destin croisé de Dasha, 20 ans, étudiante sûre de son choix, et Hanna, 40 ans, mère de famille repartie en Ukraine mais qui espère pouvoir venir remettre son fils à l'abri en Suisse. Toutes deux ont été recueillies dans des familles du canton de Neuchâtel et se trouvent actuellement dans leur pays, Dasha à Korosten, au nord-ouest de Kiev, Hanna à Vorzel, dans la banlieue de Kiev.

La décision assumée de Dasha et de sa mère

Pour Dasha, la décision de rentrer est liée à sa maman, Tania, avec qui elle a fui au tout début de la guerre. Accueillies le 4 mars par un couple de Neuchâtelois, elles ont commencé à parler de retour peu avant Pâques. La maman a reçu un appel pressant de son employeur, le Service des eaux de Korosten, qui lui a demandé de venir reprendre son poste ou alors elle perdrait son emploi.

>> Ecouter aussi le témoignage de Dasha à son arrivée en Suisse :

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Interviewée par téléphone ce week-end par la RTS, Dasha raconte que la décision a été difficile à prendre mais elle soutient le choix de sa mère: "Bien sûr, elle aurait pu laisser tomber son emploi et faire sa vie en Suisse. Mais le travail qu'elle a repris est important pour les infrastructures de notre ville. Et elle a voulu être honnête avec ses collègues".

Jana, la Neuchâteloise qui les a hébergées, avoue que la décision de rentrer lui a semblé précipitée: "Les missiles continuent de tomber partout, donc je ne vois pas comment on peut rentrer en Ukraine". Mais elle a bien compris la crainte de perdre son emploi et le besoin de retrouver le père, le fils et le fiancé de Dasha restés sur place. Jana et son mari ont même fini par amener en voiture leurs deux hôtes jusqu'à la frontière ukrainienne, le 14 avril dernier.

Une situation paradoxale

Sur place, Dasha dit ressentir la situation de manière paradoxale, alors que Korosten a encore été victime de bombardements sur des installations ferroviaires la semaine dernière: "D'un côté, je ne veux pas mourir – personne ne le veut – et c'est terrifiant d'entendre ces bombes, ces attaques. Mais d'un autre côté, c'est en fait moins difficile que quand j'étais en Suisse, à se demander ce qui est en train de se passer là-bas ? Maintenant, je sais, je vois comment c'est. Et pour moi, c'est effectivement moins difficile… c'est étrange, mais c'est la vérité"

Dasha dit qu'il y a de quoi manger, de l'eau, de l'électricité mais que l'essence manque. Et la vie quotidienne reste précaire: la maman n'est par exemple pas assurée de toucher l'entier de son salaire de 200 dollars par mois en raison de l'effort de guerre. Dasha, elle, poursuit ses études universitaires et gagne aussi un peu d'argent dans l'informatique. L'aide sociale en Suisse était en fait plus confortable. Mais pas de regrets: "Si tout le monde s'enfuit, que va devenir le pays? C'est ça la question. Bien sûr, je suis un peu nerveuse, mais j'essaye de me concentrer sur l'instant présent".

Hanna face au décès tragique de son père

La trajectoire d'Hanna est plus tragique. Arrivée à fin mars avec son fils âgé de 5 ans, cette mère célibataire pensait rester encore longtemps dans sa famille d'accueil. Le matin du 26 avril dernier, elle a encore amené son fils à l'école. Mais soudain, la terrible nouvelle est tombée: son père, 70 ans, a été retrouvé mort dans son petit appartement à Kiev.

Ces dernières semaines, il se laissait aller, bouleversé par les horreurs qu'il a vues notamment à Borodyanka, s'empoisonnant à l'alcool. Hanna a tenté de le convaincre de tenir, à distance, au téléphone: "Nous lui avons beaucoup manqué, il me le disait. Et quand la vente d'alcool a été autorisée à nouveau, il a noyé son chagrin et tenter de chasser ces horribles images de sa tête. Tout cet alcool à son âge, c'est dangereux… ça s'est passé comme ça s'est passé: la vodka, la tristesse, l'âge, et maintenant mon père est mort".

>> Ecouter aussi l'histoire du retour d'Hanna :

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La chronique d'une Ukrainienne à Neuchâtel qui souhaite rentrer à Kiev / Forum / 4 min. / le 27 avril 2022

En route avec son petit garçon

Et voilà Hanna brisée, envahie par le remords. Elle a donc décidé de rentrer d'urgence pour au moins pouvoir enterrer son père, honorer sa mémoire. Ne parlant pas un mot d'anglais ni de français, sans beaucoup d'argent, elle a pu compter sur une chaîne de solidarité pour l'aider à trouver un vol jusqu'en Pologne, d'où elle a réussi à se faire conduire à Lviv pour prendre un train de nuit en direction de Kiev.

Hanna a réussi à arriver à temps pour les obsèques de son père. Elle a pris le risque d'emmener avec elle son fils: "Ce serait mieux pour moi si j'avais la possibilité de laisser mon enfant ici en Suisse avec quelqu'un. Mais malheureusement, il ne connaît pas la langue et nous n'avons personne d'assez proche ici pour confier mon fils".

Comme pour se rassurer, Hanna est partie en se jurant de revenir, ici en Suisse, pour le bien de son fils tout d'abord. "Je reviendrai en Suisse car c'est là que je me suis sentie en sécurité et suis très reconnaissante pour l'abri fourni par la Suisse", confiait-elle la veille de son départ. Aux dernières nouvelles, elle en train de tenter d'organiser son retour. Sur place, c'est la désolation: l'école maternelle de son fils est détruite, tout comme le supermarché où elle avait un petit job.

Ludovic Rocchi

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