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Entre tensions et sentiment d'abandon, des familles accueillant des Ukrainiens sont à bout

Des familles déchantent dans l'accueil de réfugiés ukrainiens: interview de Philippe Leuba
Des familles déchantent dans l'accueil de réfugiés ukrainiens: interview de Philippe Leuba / Forum / 10 min. / le 3 mai 2022
L’accueil des personnes qui fuient la guerre en Ukraine continue de reposer majoritairement sur les privés en Suisse. L'élan commence toutefois à montrer ses limites. Des tensions se font sentir et des familles craquent. Se pose alors la question de leur encadrement et de leur soutien.

Avec la guerre qui s’enlise, le flot de réfugiés ne tarit pas malgré les quelques retours. Le dépannage d'urgence se transforme ainsi en engagement dans la durée. Pour certains, ce n’est pas évident de tenir le coup. Un couple pourtant très engagé, habitué à recevoir des exilés, a confié à la RTS arriver à ses limites et se sentir proche du burnout.

>> Lire aussi : "Si tout le monde s'enfuit, que va devenir l'Ukraine?"

Entre tensions et sentiment d'abandon, des familles accueillant des Ukrainiens sont à bout. [Keystone - Anthony Anex]
Entre tensions et sentiment d'abandon, des familles accueillant des Ukrainiens sont à bout. [Keystone - Anthony Anex]

Dans certains cas, l'accueil n'’est plus possible et les gens sont priés de s’en aller. Une propriétaire s’est rebiffée contre une famille avec trois enfants à qui elle avait offert l’accès à sa maison inoccupée. Elle a accusé les réfugiés d’être trop envahissants. Puis elle a dit vouloir remettre en vente sa maison et elle a appelé les autorités de son canton pour que la famille soit placée dans un centre collectif.

Dans une autre situation, un retraité a accueilli une mère et ses deux enfants, une adolescente et un garçon de six ans. Ce retraité a visiblement sous-estimé le dérangement, car il vient de demander de mettre fin à l’hébergement.

Manque d'accompagnement

D'après les associations d'aide aux réfugiés, ces revirements sont peu nombreux. Mais tout ne passe pas par les circuits officiels et les organisations d’entraide. Il y a aussi beaucoup d’accueil spontané, improvisé directement entre privés, par réseaux de famille ou d’amitié. Sur cette zone grise, il n’y a pas de chiffres et tout le monde n’est pas forcément suivi, accompagné dans cet accueil.

Sur le terrain, l’accompagnement de la part des pouvoirs publics est pointé du doigt. Beaucoup de bénévoles ont fait part de leur sentiment d’être livrés à eux-mêmes. Ils critiquent notamment le manque de traducteurs et de soutien administratif et psychologique. Ils regrettent aussi un manque de soutien financier, l’aide sociale étant souvent considérée comme trop basse.

>> Revoir l'enquête du 19h30 sur les disparités cantonales dans les prestations allouées aux réfugiés d'Ukraine :

Les prestations accordées aux réfugiés venus d’Ukraine varient d’un canton à l’autre. Enquête
Les prestations accordées aux réfugiés venus d’Ukraine varient d’un canton à l’autre. Enquête / 19h30 / 2 min. / le 22 avril 2022

Accueil durable

L'Organisation d’aide aux réfugiés (OSAR), en charge de gérer l’offre officielle d’hébergements privés, estime que les cantons doivent davantage investir et s’investir. "Un encadrement est indispensable pour que la solution des familles d’accueil tienne dans la durée", rappelle la porte-parole de l’OSAR, Eliane Engeler.

L'OSAR s'efforce de pouvoir garantir un environnement durable pour les réfugiés. Sur les 66'000 places offertes par les familles de Suisse à l'organisation, seules 4000 ont été attribuées pour l'instant. Ce décalage s'explique justement par le souci d'avoir l'assurance que des professionnels sont disponibles pour le suivi et l'encadrement des familles d'accueil.

"Concevoir l'ampleur du défi"

Invité dans Forum, le conseiller d'Etat vaudois Philippe Leuba, président de la Délégation du Conseil d'Etat pour l'Ukraine, estime que les cantons font déjà le maximum pour accueillir au mieux les réfugiés ukrainiens.

"Depuis le début du conflit il y a deux mois, le canton de Vaud a engagé 100 collaborateurs à l'EVAM, dont des assistants sociaux qui s'occupent des questions d'encadrement. A côté de cela, nous avons mis en place une politique de scolarisation, car 40% de cette population ukrainienne est constituée d'enfants en âge de scolarité. Nous avons également une politique sanitaire, car ces personnes souffrent parfois de traumatismes liés au conflit. C'est toute une politique inter-départementale qui est mise sur pied."

Nous voulons proposer aux réfugiés ukrainiens un projet de vie, car on ne sait pas quand ils pourront retourner chez eux

Philippe Leuba, conseiller dEtat vaudois et résident de la "Délégation du Conseil d'Etat pour l'Ukraine"

Philippe Leuba reconnaît volontiers que tout n'est pas parfait, mais il demande de l'indulgence: "Il faut que chacun conçoive le défi auquel l'ensemble des cantons suisses doit faire face. En deux mois, nous avons dû doubler la capacité d'hébergement des cantons. Et nous voulons le faire de manière qualitative, en leur proposant un projet de vie, car on ne sait pas quand ces Ukrainiens pourront retourner chez eux."

Ludovic Rocchi/asch

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