Interrogé mercredi matin dans La Matinale de la RTS, Jean-Luc Addor voit une "révolution au sens strict du terme" dans la proposition soumise aux Suisses et aux Suissesses. "Aujourd'hui, nous sommes maîtres de notre corps, y compris après notre décès. On changerait complètement ce système, c'est-à-dire que nous n'aurions plus rien à dire", estime le Saviésan.
"L'impression que j'ai, c'est qu'on a échoué à convaincre et qu'on est allé un peu vite en besogne sur certaines dimensions du don d'organes, qui est quelque chose qui ne va pas de soi et qui mérite d'être expliqué aux gens. On ne le fera plus une fois qu'on présumera leur accord", craint le conseiller national UDC.
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Quand on aura oublié cette votation, que restera-t-il de la connaissance des gens de leur droit à refuser de leur vivant le don d'organes?
Le référendum du 15 mai offre pourtant la possibilité aux votants de se prononcer de leur vivant. "C'est juste", réagit Jean-Luc Addor. "Mais nous sommes dans une campagne de votations. Nous en parlons. Dans quelques années, quand on aura oublié cette votation, que restera-t-il de la connaissance des gens de leur droit à refuser de leur vivant le don d'organes? Sûrement pas grand- chose."
"On veut nous forcer la main"
Pour l'avocat valaisan, le débat est aussi délicat: "On fait passer les gens qui ne souhaitent pas faire don pour au mieux des égoïstes ou au pire des salauds. Si on essaie de se représenter dans quelles circonstances on peut prélever certains organes, comme le coeur, on se doit quand même de comprendre pourquoi certains ne le souhaitent pas. Je pense que plutôt que de nous contraindre en présumant notre accord, on ferait mieux de se poser la question - ce que nous n'avons pas fait au Parlement - de comment mieux convaincre."
Je pense qu'on n'a pas épuisé les possibilités qui existent de convaincre les gens, d'informer mieux.
Selon plusieurs sondages, entre 75% et 80% de la population suisse est favorable au don d'organes. En revanche, au moment du décès d'un proche, environ 60% des familles expriment un refus. Le consentement présumé ne serait-il alors pas une solution pour être en adéquation avec ce que pensent réellement les gens?
"Il y a une différence entre ceux qui pensent dans l'abstrait, avant que la question ne soit réellement d'actualité. C'est bien la preuve que l'on veut nous forcer la main. La question est de savoir comment faire au mieux la transition entre ces deux moments. Je pense qu'on n'a pas épuisé les possibilités qui existent de convaincre les gens, d'informer mieux la population", répond Jean-Luc Addor.
Ce n'est pas parce qu'autour de nous on fait des choses fausses qu'on doit s'aligner.
Et le politicien UDC - qui dispose d'une carte de donneur, précise-t-il - de proposer: "Il y a des moments dans la vie, comme le recrutement militaire, où l'on pourrait confronter les Suisses à cette problématique du don d'organes. Il faudrait profiter de les avoir sous la main, si j'ose dire, pour leur donner une information et leur poser la question, ce qui conserverait le caractère volontaire et préserverait le don plutôt qu'une sorte de prélèvement obligatoire par l'Etat."
Plusieurs pays alentours ont déjà un système de prélèvement d'organes par consentement présumé. En comparaison, le taux de dons en Suisse est de 19 pour un million d'habitants, alors qu'il atteint 40 en Espagne. Un exemple inspirant?
"Alors, ce n'est pas parce qu'autour de nous on fait des choses fausses qu'on doit s'aligner", rétorque Jean-Luc Addor, précisant encore que de son point de vue, il est risqué de considérer le corps "comme une marchandise".
Propos recueillis par David Berger
Adaptation web: Jérémie Favre
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