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Marketing et fraises étrangères: les enseignes peinent à tenir leurs promesses

Récolte de fraises sous serres à Kesswil, dans le canton de Thurgovie. [Keystone - Gaetan Bally]
Fraises trop tôt sur les rayons: ça continue / On en parle / 12 min. / le 4 mai 2022
Au terme de deux ans d’enquête, et un an après l'opération Ramène ta fraise, la Fédération romande des consommateurs constate que les grands distributeurs, à de rares exceptions près, peinent à modifier leurs pratiques en matière de marketing de fraises hors-saison.

Le 4 mai, la Suisse a déjà consommé la moitié des fraises mangées dans l’année, alors que la saison n’a pas encore commencé. Pourtant, c'est à la mi-mai, si les conditions sont bonnes, que débute la récolte de fraises en Suisse, et en juin s’il fait froid et gris.

En revanche, les fraises importées sont mises en évidence à l’entrée des supermarchés dès le mois de février. La plupart viennent d'Espagne, d’Afrique du Nord, d’Italie, du Portugal et, à partir de mi-mars, du sud de la France. On en oublierait presque que la fraise est un fruit d’été en Suisse.

En mars 2021, la Fédération des consommateurs (FRC) avait mené une large enquête sur les 14'281 tonnes de fraises importées en Suisse en 2020. Cette enquête dénonçait une aberration dans la saisonnalité des fruits et légumes et mettait en évidence le marketing agressif des grandes surfaces. Un marketing faisant croire au public que la saison normale des fraises est en février, mars et avril, ce qui est faux.

Le bilan de deux ans de travail

Cette semaine, la FRC publie le bilan de deux ans de travail. Sandra Imsand, responsable des enquêtes à la FRC, étudie le commerce de la fraise importée depuis 2020. "Nous avons regroupé beaucoup de données, et demandé à rencontrer les distributeurs, ce qui n’était pas toujours facile. Des promesses ont été faites, et nous souhaitions savoir si elles avaient été tenues, un an après", explique-t-elle lors de l'émission On en parle. Ainsi, de mai 2021 à mai 2022, les enquêteurs ont effectué plus de 300 nouveaux relevés (730 en tout) dans les succursales romandes de Migros, Coop, Aldi et Lidl.

Les demandes principales de la FRC aux grandes surfaces étaient les suivantes: renoncer au marketing des fraises en hiver, mettre les fraises suisses sur un pied d’égalité par rapport aux fraises espagnoles et renoncer aux mises en scène comme les barquettes de fraises en forme de cœur pour la St-Valentin, ou encore la crème chantilly et les fonds de tartelette à portée de main à côté des fraises hors-saison. "Nous avons également demandé à ce que leur engagement envers la durabilité corresponde à la réalité du terrain", précise Sandra Imsand.

Des efforts variables

Aujourd’hui, le bilan est variable. "Le plus grand engagement vient du côté d’Aldi, qui nous a rencontrés rapidement. L’enseigne a immédiatement accepté de renoncer au marketing de la fraise hors-saison. Promesse tenue." En revanche, les autres enseignes avancent à pas de fourmi. "Par exemple, l’une d’entre elles a renoncé à publier des recettes contenant des baies pendant l’hiver. Mais certaines n’ont pas du tout agi concernant cette problématique."

Parmi les mauvais élèves, la Migros n’a pas tenu son engagement, en mettant la fraise en une de son magazine et en tête de gondole en supermarché en février déjà. Contacté par On en parle, le porte-parole de la Migros Tristan Cerf se dit "surpris" et ajoute que "les engagements cités" par la FRC "ne constituent en aucun cas le reflet de nos échanges". Une réponse qui laisse Sandra Imsand sceptique: "Lorsque notre dossier est sorti en 2021, Migros a annoncé par voie de presse avoir renoncé au marketing et aux actions sur les fraises avant le mois de mars. En septembre, elle rappelait encore son engagement dans un article de presse. Les engagements communiqués au public doivent être tenus."

Sujet radio et propos recueillis par Mathieu Truffer

Adaptation web: Myriam Semaani

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