Publié

En Suisse, les pratiques des chasseurs d'appartements interrogent parfois

Les étages supérieurs d'un immeuble vu de l'extérieur. [Depositphotos - eunikas]
Comment choisir son chasseur dʹappartement? / On en parle / 20 min. / le 4 mai 2022
La pénurie de logements, notamment dans les grandes villes suisses, permet parfois aux chasseurs d'appartements de profiter de la détresse des locataires. Leurs pratiques permettent-elles de gagner du temps, ou contribuent-elles à exacerber la crise du marché locatif?

Les chiffres de l’Office fédéral de la statistique publiés en septembre 2021 indiquaient, pour la première fois en 12 ans, que le taux de logement vacants baissait. Dans ce contexte, la recherche d’un appartement peut se transformer en cauchemar.

Même sans pénurie, la recherche d’appartement est chronophage, surtout en cas de critères précis. S’abonner aux sites de petites annonces et aux groupes sur les réseaux sociaux, éplucher les courriels, faire des visites le soir-même et rassembler les nombreux documents demandés par les régies immobilières s’avère compliqué, au point de devoir déléguer ce travail à un chasseur immobilier, ou chasseur d’appartements, contre rémunération.

Un cercle vicieux

Christian Dandrès, avocat pour l’Association suisse des locataires (ASLOCA) et conseiller national PS, possède un avis tranché sur les chasseurs d’appartements: "Leurs services aident évidemment les locataires, mais ils ont un impact sur le marché locatif, et peuvent participer à la crise du logement. Plutôt que de mettre les appartements à disposition en vitrine ou sur leur site internet, certaines régies ou certains propriétaires passent par des chasseurs d’appartements. Pour accéder à ces offres, les locataires doivent alors en quelque sorte payer. Cela aggrave la discrimination sur les capacités financières des locataires", explique-t-il lors de l’émission On en parle.

Il qualifie également le marché des chasseurs d’appartements de "jungle". "Évidemment, il y a des courtiers corrects, mais il y a aussi des arnaques. L’ASLOCA défend les locataires victimes de ce système, qui consiste à monnayer du piston." Faire appel aux chasseurs encouragerait-il justement ce système? "Se loger est un besoin fondamental, et le marché immobilier est tel que les locataires ne sont pas en position de refuser cette offre."

Attention aux fausses promesses

Yann Capt, chasseur immobilier, travaille dans le canton de Vaud. Il affirme ne pas avoir accès à des offres exclusives auprès des gérances: "Nous n’avons pas d’accès privilégié aux gérances", précise-t-il à On en parle. Pour obtenir des offres moins accessibles, il fait plutôt appel à son réseau professionnel et à d’anciens clients qui remettent leur appartement. Faire appel à un chasseur immobilier simplifie donc la vie, mais ne garantit pas l’accès à des offres exclusives.

Christian Dandrès reste sceptique: "Même si ce n’est pas le cas de monsieur Capt, beaucoup de chasseurs d’appartements promettent plus que ce qu'ils ne font. Les locataires pensent qu’en faisant appel à eux, ils auront plus de chances d’atteindre les propriétaires et d’obtenir un contrat de bail. C’est cela qui pose problème. De plus, les courtiers peuvent travailler à la fois pour le locataire et pour le propriétaire. Il y a donc des conflits d’intérêt."

Des frais qui varient d’un chasseur à l’autre

On en parle a mené l’enquête, en demandant les conditions générales de certains de ces chasseurs d’appartements. Les frais d’inscription varient d’un chasseur à un autre. Alors que certains demandent un montant fixe de quelques centaines de francs à payer dès le début, qui sera perdu si aucun appartement n’est trouvé, d’autres demandent un montant pour chaque mois écoulé depuis le début de la recherche en cas de résiliation du contrat. "Les chasseurs ont le droit de demander le remboursement de frais, pour autant qu’ils ne soient pas excessifs", précise Christian Dandrès. "Quant à la rémunération, dans un contrat de courtage, elle est due à la conclusion du contrat de bail, pas avant."

L’avocat tient également à souligner que les clauses pénales sont interdites. "Par exemple, demander de payer un forfait en cas de résiliation du contrat avant une certaine échéance est interdit. En revanche, le chasseur peut demander des dommages et intérêts, pour autant qu'il puisse prouver les dommages causés. Les locataires ont le droit de contester ces montants."

Une rémunération équivalente à un mois de loyer

Quant à la rémunération finale du chasseur immobilier, elle correspond à l’équivalent d’un loyer de l’appartement trouvé. Certaines agences fixent toutefois un minimum, comme 1000 francs. "Le chasseur d’appartements doit rendre des comptes au locataire, pour évaluer le travail fourni et s’il a été décisif ou non dans l’obtention du bail."

Certains chasseurs d’appartements interdisent à leurs clients et clientes de chercher un appartement par leurs propres moyens en parallèle, par exemple à travers les connaissances, ou par hasard. "Il est possible de mettre une clause d’exclusivité, mais le chasseur d’appartements doit en contrepartie déployer de gros efforts. Il est toujours possible de résilier ce type de contrat."

Sujet radio: Arditë Shabani et Bastien Von Wyss

Adaptation web: Myriam Semaani

Publié

Chasseurs et régies tentent parfois d'intimider les locataires

Certains chasseurs d’appartements sans scrupules cherchent à interdire à leurs clients de contester le loyer auprès de la régie une fois le bail signé. En tant qu'avocat, Christian Dandrès a dû faire face à des cas inquiétants: "Souvent, les chasseurs font signer aux locataires un document dans lequel ils acceptent de renoncer à contester le loyer. Cela est illégal. Dans les cantons où il y a une pénurie, lorsque les locataires n’ont pas d’autre choix que d’accepter le contrat de bail à cause d’une situation délicate, ils peuvent sans autre signer ce contrat, puis contester le loyer dans les 30 jours pour qu'il soit ramené à ce que la loi autorise."

Il poursuit: "Par le passé, nous avons constaté que des régies travaillaient avec des chasseurs d’appartements car il y avait plus de chances que les locataires ne contestent pas le loyer initial. D’autres chasseurs omettaient volontairement de transmettre au locataire les documents permettant de contester le loyer initial, ou les transmettaient une fois le délai de 30 jours écoulé. Il y a aussi eu des cas d’intimidation de la part des chasseurs."