Les prix de l’acier, du bois ou de certains isolants ont pris l'ascenseur. "A chaque fois, la hausse se chiffre en dizaines de pour cent", indique Nicolas Rufener, secrétaire général de la Fédération genevoise des métiers du bâtiment.
A Fribourg, Jennifer Nasica est propriétaire d’une maison des années 1960 qu’elle veut complètement assainir. Même si elle n’a pas encore le permis de construire, elle demande déjà des offres aux différents corps de métier, afin d’avoir une vision des surcoûts: "Cela permet de vérifier si des adaptations sont nécessaires", explique-t-elle.
Les premiers retours d'offres sont d'ailleurs "plus élevés que prévu". Par rapport au premier budget envisagé il y a près d’un an, Jennifer Nasica estime la hausse pour sa transformation à environ 8%.
Courte validité des offres
Ce jour-là, celle qui est aussi l'architecte de son projet accueille Dominique Lambelet, directeur d'une entreprise de construction, pour une visite de sa villa. "On reçoit quasiment toutes les semaines des augmentations de prix pour les matériaux comme la ferraille, l'isolation, le bois et le béton", explique-t-il.
Des hausses que son entreprise répercute sur la facture finale. Dominique Lambelet n'observe pas encore de ralentissement dans son secteur d'activité: "Mais on craint que cela finisse par freiner les gens." Ce contexte particulier se reflète aussi dans les offres, notamment leur durée de validité: "Elles sont aujourd'hui d'une dizaine de jours alors qu'avant elles s'étendaient sur une année", indique Dominique Lambelet.
Pour Jennifer Nazica, la hausse des taux hypothécaires vient encore compliquer la donne. Elle reste malgré tout positive: "On a bon espoir de trouver les solutions pour que le chantier puisse se faire et qu'on puisse emménager ici".
Du jamais vu
Les architectes, eux aussi, doivent s'adapter: "Des périodes comme celle-ci, on n'en a jamais vécues", observe Luc Bernasconi, directeur associé du bureau Lutz à Givisiez (FR). Principal problème: le retard dans les livraisons qui impacte le suivi des travaux.
La hausse des coûts perturbe également les chantiers. Luc Bernasconi doit parfois ajuster des projets pour les rendre moins coûteux. Il cite l'exemple d'une rénovation de bâtiment qui prévoyait l'utilisation de bois: "Pour finir, on a mis une isolation standard, en polystyrène."
Indépendance énergétique
Alors qu'on parle beaucoup actuellement de rénovations énergétiques, doit-on s'attendre à ce que certains propriétaires reportent leurs projets du fait de surcoûts? "Non", estime Stefanie Schwab, chercheuse à la Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg.
"Les gens se rendent compte qu'il y a un problème avec les énergies fossiles. Autant le gaz que le mazout sont des énergies qui sont en recul. La guerre (en Ukraine, ndlr) a aussi montré la pertinence de ne plus être dépendants de ces énergies."
Mais de manière plus générale, l’impact du porte-monnaie reste important. "Dans un bâtiment, une rénovation en entraîne souvent une autre", relève Stefanie Schwab. Quand on passe à une pompe à chaleur, il faudrait par exemple revoir en même temps l'enveloppe. La chercheuse prône un meilleur accompagnement. Elle suggère aussi une planification à l'échelle de quartiers: "On peut par exemple trouver des prix en commun pour plusieurs propriétaires qui ont le même type de bâtiment."
Selon elle, il reste un grand effort à faire, à la fois du côté des propriétaires, mais aussi de la part des professionnels: "Ils doivent être formés en suffisance et être qualifiés."
Guillaume Rey et Coraline Pauchard