Modifié

Une commission du Congrès américain accuse la Suisse d'être "complice du dictateur Poutine"

Le Conseil fédéral proteste contre les accusations d'une commission du Congrès américain qui accuse la Suisse de laxisme face à la Russie
Le Conseil fédéral proteste contre les accusations d'une commission du Congrès américain qui accuse la Suisse de laxisme face à la Russie / 19h30 / 1 min. / le 5 mai 2022
Alors que la Russie trouve "regrettable" la décision suisse de suivre les sanctions européennes, une commission du Congrès américain a accusé jeudi Berne de laxisme envers les oligarques russes. Le Conseil fédéral a fermement rejeté ces critiques et demandé des rectifications immédiates.

Des experts et parlementaires américains se sont rencontrés en ligne jeudi pour repenser la relation des Etats-Unis avec une Suisse qu'ils considèrent comme "l'un des principaux complices du dictateur russe Vladimir Poutine et de ses acolytes".

"Il y a quelque chose de sérieusement pourri en Suisse. Il y a soit de la criminalité, soit beaucoup d'incompétence dans les forces de l'ordre de ce pays", a ainsi déclaré Bill Browder, chef de la campagne mondiale justice pour Magnitsky.

Le Conseil fédéral outré

Ces accusations ont fait bondir le Conseil fédéral. Le chef de la diplomatie Ignazio Cassis a signifié son mécontentement aux Américains et a demandé des rectifications immédiates.

"Le gouvernement suisse rejette avec la plus grande fermeté les formulations utilisées (…) La Suisse met en vigueur l'ensemble des sanctions qui ont été décidées par le Conseil fédéral et par l'UE. En matière d'application des sanctions, la Suisse n'a en comparaison internationale pas à rougir de la manière dont elle fait les choses," a réagi le gouvernement suisse par la voix de son porte-parole André Simonazzi.

La surprise est d'autant plus grande que du côté russe, au contraire, la Suisse ne semble pas être considérée comme complice. Dans une lettre envoyée à l'émission Temps Présent, l'ambassadeur russe en Suisse Sergueï Garmonine qualifie ainsi de "profondément regrettable" la reprise des sanctions européennes.

>> Lire : En colère contre la Suisse, la Russie promet une "réponse appropriée"

Des critiques à relativiser

Il faut toutefois relativiser l'importance de cette commission qui ne reflète pas la position du Département d'Etat. Le président américain Joe Biden lui-même a salué le régime de sanctions mis en place par la Suisse à l'endroit de la Russie.

Mais il n'en demeure pas moins que les experts rassemblés se sont montrés très critiques vis-à-vis de la Suisse. Alors que l'image de paradis fiscal continue de coller à la Suisse, ils accusent le Ministère public de la Confédération d'être totalement impuissant dans les affaires de corruption. Ils estiment aussi que les avocats continuent de jouer un rôle très important dans la mise en place de structures de trusts pour cacher les fortunes russes.

Ils évoquent également les 200 milliards de francs de fonds russes détenus dans les banques suisses, alors que 7,5 milliards sont aujourd'hui bloqués par la Suisse, ce qui correspond à la liste des personnes sanctionnées.

>> Les explications de Gaspard Kühn dans le 19h30 :

Gaspard Kühn, correspondant à Washington, commente l’attitude américaine vis-à-vis de la politique de sanctions de la Suisse contre le régime russe
Gaspard Kühn, correspondant à Washington, commente l’attitude américaine vis-à-vis de la politique de sanctions de la Suisse contre le régime russe / 19h30 / 1 min. / le 5 mai 2022

Céline Brichet/lan

Publié Modifié

Réactions différentes à droite et à gauche

Ces accusations font aussi réagir les parlementaires fédéraux. D'un côté, certains élus, plutôt du camp bourgeois, se disent heurtés par ce qu'ils ont entendu et s'empressent de le relativiser, estimant qu'il ne faut pas donner trop d'importance à une commission qui n'en a pas forcément. Et d'un autre côté, à gauche, des parlementaires partagent certaines des critiques prononcées lors de ce briefing.

Pour la droite, les orateurs de cette séance ont volontairement passé sous silence les efforts de la Suisse dans la lutte contre le blanchiment d'argent et dans la mise en oeuvre des sanctions contre la Russie. Ce dernier point a même été salué par le président des Etats-Unis lui-même, rappelle un parlementaire PLR. La droite applaudit aussi la réaction ferme du Conseil fédéral, qui a protesté auprès des Etats-Unis.

Les propos tenus devant cette commission américaine sont en revanche pris très au sérieux par le camp rose-vert. Il faut tout d'abord rappeler que le conseiller aux Etats socialiste genevois Carlo Sommaruga était l'un des orateurs. Son parti a d'ailleurs publié vendredi un communiqué pour évoquer les pressions internationales contre le "laxisme persistant du SECO dans l'application des sanctions".

Le PS plaide ainsi pour retravailler la loi sur le blanchiment d'argent. Et un élu vert évoque lui l'idée d'une task force sanctions pour évaluer le travail du SECO, identifier les failles et les corriger.

>> Les précisions de Forum :

Des parlementaires réagissent aux accusations de laxisme d’une commission du Congrès américain
Des parlementaires réagissent aux accusations de laxisme d’une commission du Congrès américain / Forum / 2 min. / le 6 mai 2022