Cette stratégie arrive alors que la question européenne divise le Parti socialiste depuis des années, entre europhiles et syndicalistes. Cette dernière frange du PS s'était notamment opposée à l'accord-cadre, car pour elle un rapprochement avec l'Europe ne doit pas se faire au détriment des valeurs fondamentales socialistes comme la protection des salaires.
Mais la nouvelle stratégie de politique européenne du PS réunit cette fois-ci les deux ailes du parti, qui ont collaboré pour rédiger ce texte. Le document dresse la liste des principaux avantages et inconvénients d'une adhésion. D'un côté, par exemple, le fait de participer aux décisions à Bruxelles, la politique climatique européenne plus avancée ou une coopération plus stable en matière de recherche et de formation.
De l'autre, la démocratie directe et les institutions suisses devraient être réformées, la TVA serait presque doublée et le service public soumis à une plus forte pression de libéralisation.
Une Europe plus sociale?
Mais au final, le PS conclut qu'une adhésion comporte plus d'avantages que d'inconvénients. Les socialistes sont surtout convaincus qu'après des décennies d'austérité et de libéralisme, l'Europe tend à devenir plus sociale, plus écologique et plus démocratique. Des conditions sine qua none à une future adhésion, selon le PS.
La Suisse semble pourtant loin d'une adhésion. Selon un baromètre publié en 2020, seuls 7% de la population serait favorable à une adhésion à l'Union européenne. Dans sa stratégie, le PS évoque donc une ouverture des négociations en temps opportun.
"Pour nous, l'adhésion n'est pas un but en tant que tel. C'est un moyen pour améliorer les conditions sociales des deux côtés de la frontière", a clarifié mercredi le co-président du PS Cédric Wermuth dans La Matinale de la RTS. "Tant que ça nous sert, on va procéder avec cette intégration dans l'UE. Je ne peux pas vous promettre qu'à la fin, nous aurons un bon résultat, mais nous avons l'impression que c'est le moment d'essayer de rouvrir ce chemin européen" (lire aussi l'encadré).
Une stratégie en trois phases
Le parti propose une stratégie en trois phases. D'ici fin 2023, il faudrait régler la participation de la Suisse aux programmes de coopération comme Horizon Europe ou Erasmus, en signant un premier accord de stabilisation. A l'horizon 2028, la Suisse et l'UE doivent parvenir à un accord économique de coopération.
Suivrait alors l'ouverture des négociations avec Bruxelles en vue d'une adhésion. Les plus optimistes espèrent à la fin de la décennie. D'autres au PS évoquent plutôt une vingtaine d'années.
Valentin Emery/vkiss
"L'avenir de la Suisse ne peut qu'être européen"
A l'heure où la guerre en Ukraine rebrasse les cartes et où de nouveaux rapprochements sont dans l'air en Europe, la Suisse s'interroge à nouveau sur les alliances qu'elle doit conclure avec ses voisins. L'heure de repenser à la place de la Suisse dans l'Europe est venue, mais n'est-il pas trop audacieux de l'imaginer membre de l'Union européenne?
"L'adhésion est peut-être quelque chose de difficilement imaginable pour la majorité de la Suisse, mais je rappelle qu'il y a quelques semaines, il aurait été absolument exclu de discuter d'un rapprochement de la Suisse avec l'Otan! La situation a dramatiquement changé depuis le 24 février, et il nous semble absolument central que nous soutenions toute logique démocratique sur notre continent, et donc aussi l'Union européenne", a défendu le co-président du Parti socialiste suisse Cédric Wermuth mercredi dans La Matinale de la RTS. "Avec une démocratie affaiblie aux Etats-Unis, des dictatures en Russie et en Chine, il nous semble assez évident que l'avenir de notre pays, c'est un avenir européen. Il ne peut qu'être européen".
La situation a dramatiquement changé depuis le 24 février. Il est absolument central que nous soutenions toute logique démocratique sur notre continent, et donc aussi l'UE
Mais avec seulement 7% de la population favorable, le PS ne se tire-t-il pas une balle dans le pied, à un an des élections fédérales? "Ces chiffres datent d'avant la crise en Ukraine. Je pense que les choses sont en train de changer", relativise Cédric Wermuth. Pour lui, "c'est au niveau européen qu'il faut trouver des solutions" aux grands défis posés par la situation géopolitique actuelle (migrations, inflation, approvisionnement énergétique). "Nous sommes convaincus que l'adhésion de la Suisse à l'UE, de toute façon, reviendra dans notre pays", assure le vice-président du PS.
Si le Parti socialiste choisit ce moment pour relancer le débat, c'est aussi parce qu'il a l'impression que l'Union européenne a changé politiquement. "Ce n'est plus l'UE d'il y a 10 ans, comme quand on a commencé la négociation sur l'accord cadre. On était encore dans la phase néolibérale pure et dure de l'UE. Là, ça a bougé. On a toute une série de gouvernements socialistes, en Allemagne, en Espagne, au Portugal, en Scandinavie, qui sont une chance pour la Suisse. Ils répondent beaucoup mieux aux demandes que nous avons, aux problèmes que nous aurions pendant ces négociations, notamment avec les services publics et les salaires", estime Cédric Wermuth. "Nous retrouvons une UE avec une majorité qui a beaucoup plus de compréhension pour les spécificités suisses. C'est exactement le moment pour saisir l'occasion".
Nous retrouvons une UE avec une majorité qui a beaucoup plus de compréhension pour les spécificités suisses. C'est exactement le moment pour saisir l'occasion
Propos recueillis par Valérie Hauert
Adaptation web: Vincent Cherpillod