Le cinéma en Suisse vit une période morose à cause de la drastique baisse de fréquentation des salles, pourtant redevenues accessibles librement et sans masque après la pandémie de Covid-19.
Un plongeon inquiétant si l’on compare les chiffres fournis par l’Office fédéral de la statistique, qui font état d'une chute de 49,8% du nombre d'entrées hebdomadaires entre décembre 2019 et décembre 2021, avec une tendance qui se poursuit au début 2022.
Pandémie et streaming
Le phénomène est constaté un peu partout en Europe. Un exemple avec la France: depuis la réouverture des salles le 19 mai 2021, 150 millions d’entrées ont été enregistrées, soit une baisse de la fréquentation de 28% par rapport à la période 2017-2019. Comment expliquer un tel plongeon? Une nouvelle étude publiée par le Centre français du cinéma tente de répondre à cette question.
Parmi les principaux facteurs mentionnés, on trouve une perte d'habitude due au Covid-19, une consommation de films sur d'autres supports et la cherté du billet.
Si le rapport se concentre sur l'Hexagone, ces indications semblent aussi pertinentes pour la Suisse. Dans l’ensemble, l'étude confirme que la baisse de fréquentation des salles de cinéma est due à la crise sanitaire, non seulement en raison des restrictions alors en vigueur, mais également du fait que la pandémie a profondément changé les habitudes des consommateurs. À cela s'ajoute l'offre pléthorique proposée par des plateformes de streaming comme Netflix ou Apple TV.
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Une réalité loin du tapis rouge
Alors que la fête battait son plein il y a une semaine sur la Croisette, un exploitant français de salles de cinéma lançait un cri d'alarme sur Twitter, soulignant que "la réalité économique du cinéma était à des années-lumière de Cannes".
Repris par le journal Télérama, l'homme compare ces deux univers parallèles, avec d'un côté une partie de la profession qui "vit sa meilleure vie à Cannes, dans une bulle", et une autre réalité moins reluisante avec des exploitants en situation de détresse et "des entrées catastrophiques".
Une inquiétude aussi partagée par les professionnels du cinéma en Suisse. "On a un paradoxe entre ces stars qui défilent sur le tapis rouge et qui gagnent des millions et la réalité du terrain avec les entrées qui chutent", confie Laurent Dutoit, exploitant de plusieurs salles de cinémas indépendants à Genève, mardi dans le 19h30. Il tempère néanmoins: "Le festival de Cannes reste essentiel pour le cinéma d'auteur et l'intérêt médiatique qu'il suscite. On a quand même besoin de ce glamour pour promouvoir les salles."
Fin des aides Covid
Pourtant, une affiche à Cannes ne garantit pas l'engouement dans les salles. Un exemple avec le film "Frère et Soeur" d'Arnaud Desplechin. "Même avec une sélection en compétition et une bonne tête d’affiche, les entrées restent médiocres: 1400 spectateurs sur une dizaine de jours en Suisse. En comparaison, "Top Gun" a fait 100'000 entrées en un week-end", analyse-t-il. L'exploitant compte sur certains films, notamment la Palme d'or "Sans filtre" - qui sera projeté cet automne - pour booster la fréquentation de ses salles.
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"On a été soutenus par les politiques jusqu’à présent pour couvrir les pertes de la pandémie, mais les aides se terminent en juin. Si le box-office ne démarre pas, nous n'arriverons pas à tenir un an avec de telles recettes", conclut Laurent Dutoit.
À l'heure où la "Lex Netflix" doit augmenter la capacité de production du cinéma suisse, les professionnels du secteur s'interrogent sur les mesures qui pourraient stopper cette baisse de fréquentation.
Sarah Jelassi
Sujet TV: Gilles de Diesbach