Jacques Mauron: "Le photovoltaïque ne suffira pas à résoudre la pénurie d’électricité"
Parmi les motions adoptées jeudi par le National figure une mise en place accélérée de panneaux solaires le long de routes nationales et des rails. "Toute goutte d’eau est bonne à prendre mais il faut être conscient qu'à lui seul, le photovoltaïque ne suffira pas à résoudre la pénurie d’électricité", relativise Jacques Mauron, directeur général du Groupe E, producteur et distributeur d'électricité suisse.
Car si le photovoltaïque produit les trois quarts de son énergie pendant l’été, sa production reste insuffisante pendant l’hiver. "Si on avait réalisé complètement la transition énergétique, on ne subirait pas aujourd’hui cette dépendance vis-à-vis de la Russie", pointe le patron du Groupe E. Comme il l'explique, la transition énergétique doit aussi passer par l’efficience énergétique des bâtiments, notamment en matière d'isolation, et à travers le développement d'autres énergies renouvelables.
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Des commandes annulées
Aujourd'hui, la demande en photovoltaïque augmente très fortement, notamment en raison de la peur d’un black-out et de la flambée des prix de l’électricité. Mais la branche souffre de pénurie de personnel et de matériel.
A Aigle (VD), la petite entreprise Swiss solar facility engineering fait face à un manque de matériel chronique. "Souvent, le modèle reçu n’est pas celui qui était prévu au départ. Les délais de livraison durent entre six et huit mois. Avant, il y avait toujours du stock", témoigne Samuel, qui est à la tête de cette société, au micro de la RTS.
La crise du Covid qui perdure en Chine pèse également lourdement sur toute la filière. "Du jour au lendemain, des livraisons de containers peuvent être annulées. On passe alors des heures au téléphone pour trouver des solutions, ce qui conduit à une surcharge de travail", poursuit l'ingénieur.
"Il y a une vraie prise de conscience sur la nécessité de réaliser cette transition énergétique", constate Jacques Mauron, "maintenant il faut être capable de suivre la cadence." Et pour cause: les requête de particuliers pour obtenir des subventions fédérales s'élèvent à près 9500 pour les quatre premiers mois de l'année, soit 40% de plus par rapport à l'an dernier.
Si les commandes s'enchaînent, le recrutement de personnel qualifié reste très compliqué pour les entreprises spécialisées. Il n'existe actuellement pas de filière établie dans la profession. Une situation que veut corriger le Conseil fédéral avec la création d'un apprentissage dans le domaine du photovoltaïque. Une feuille de route allant dans ce sens a d'ores et déjà été élaborée.
Risques de pénurie pas exclus
La Commission fédérale de l’électricité (ElCom) a de son côté fait savoir jeudi que les tarifs de l'électricité augmenteront nettement chez de nombreux fournisseurs l'année prochaine. Des incertitudes subsistent par ailleurs sur la sécurité de l’approvisionnement l’hiver prochain et des pénuries ne sont pas exclues.
Selon l'ElCom, pour un ménage de cinq pièces avec une consommation annuelle moyenne de 4500 kilowattheures, le prix de l’électricité passerait d’environ 21 centimes par kilowattheure en 2022 à près de 25 centimes en 2023, soit une charge financière supplémentaire d’environ 180 francs par an.
Les différences peuvent toutefois être plus importantes dans certains cas. Pour alléger la facture, des gestes simples existent. "Baisser la température du chauffage a une efficacité sur le prix, on parle d'environ 6% d’économie par degré en moins sur ces énergies", précise Jacques Mauron.
Propos recueillis par Valérie Hauert
Texte web: Hélène Krähenbühl