A quoi pourraient ressembler les toilettes publiques de demain?

Certaines personnes préfèrent les éviter, pour d'autres, ils sont parfois salvateurs: les WC publics ne laissent pas indifférents. Pour les collectivités publiques, c'est un investissement certain. A Lausanne, par exemple, l'entretien coûte plus de 600'000 francs par an.

Les stratégies des municipalités diffèrent. Récemment, la capitale vaudoise a investi environ six millions et demi pour rénover vingt-sept WC et en créer deux nouveaux. Certains sont désormais autonettoyants, une manière d'améliorer l'hygiène.

Ils sont également munis de différents dispositifs: "Des toilettes sympathiques, c'est l'image d'une ville", avance Gaëtan Macheret, patron de la société MTX qui a conçu les nouveaux équipements lausannois. "La poubelle a une trappe pour éviter qu'on puisse y mettre le feu et on utilise des systèmes de vis antivol pour éviter tout acte de vandalisme dans le WC".

D'autres localités, comme Bienne, cherchent plutôt à réduire le nombre de lieux publics d'aisance. Pour compléter l'offre, cette ville a opté pour des partenariats avec des cafés et restaurants: contre une indemnité de mille francs par an, les établissements ouvrent leurs WC au public.

"Avant ce concept de toilettes accueillantes, on parlait annuellement de 300'000 francs d'entretien, de manutention et d'exploitation", remarque Yanick Jolliet, architecte de la ville de Bienne, en charge du dossier. "On a pu diminuer à peu près de moitié". Dans plusieurs localités contactées par 15 Minutes, la tendance est plutôt à une baisse du nombre de toilettes publiques par personne.

>> Ecouter le reportage de 15 Minutes :

Keystone - Martial Trezzini

Défi écologique

Au-delà de la question économique, l'enjeu écologique se pose fortement actuellement. "Chaque chasse d'eau tirée pour envoyer nos besoins à la station d'épuration utilise cinq à dix litres d'eau: cela représente environ quarante à cinquante litres par personne et par jour", explique l'ingénieur en environnement Bastian Etter, directeur de Vuna sàrl. Il a passé dix ans à faire de la recherche sur la question des toilettes; parmi les pistes évoquées, réutiliser l'eau, une fois filtrée, ou s'en passer, avec des toilettes sèches.

Mais pour lui, les latrines de demain trieront aussi à la source: les urines peuvent ainsi servir d'engrais. Cela existe déjà à Dübendorf, près de Zurich, sur le site de l'Institut Fédéral des Sciences et Technologies de l'Eau (Eawag). Dans un local dédié, une cuve de trois cents litres d'urine: "Là-dedans, il y a des bactéries qui transforment l'azote. D'autres absorbent les médicaments", précise le chercheur. Quand le couvercle est soulevé, quasiment aucune odeur: "Ça montre que nos bactéries travaillent".

Bastian Etter montre une bouteille d'un demi-litre remplie d'un liquide foncé: de l'urine stabilisée, filtrée et concentrée. Le produit, obtenu avec dix litres d'urine humaine, est autorisé par l'Office fédéral de l'agriculture pour toutes les cultures, comme engrais: "C'est de l'or liquide!"

Révolution des toilettes?

Le chercheur estime que parce que c'est un sujet tabou, on en parle peu: "C'est juste un besoin, donc on installe des toilettes parce qu'on en a besoin; mais on réfléchit peu sur la façon de les améliorer".

Il estime toutefois que l'approche change: "Je suis convaincu qu'on peut parler de révolution: le concept des toilettes a peu évolué depuis le XIX siècle, mais ces dernières années, il y a de plus en plus d'idées, de groupes de recherche, d'entreprises qui travaillent sur ça", se réjouit-il.

Différentes localités sont séduites par ces solutions: Zurich mène déjà des tests avec cet engrais local. L'EPFL, ainsi que des coopératives d'habitations à Genève ont déjà prévu d'installer ce système de tri à la source.

A l'étranger, Paris s'y intéresse aussi: cette technique novatrice pourrait même contribuer à assainir la Seine. La capitale française s'est fixée un objectif: pouvoir se baigner dans le fleuve lors des JO de 2024.

>> Ecouter les explications dans Forum de Nadège de Chambrier, ingénieure en développement de technologies :

Depositphotos - mikdam

Reportage radio: Katia Bitsch & Guillaume Rey

Article web: Stéphanie Jaquet