Les deux anciens dirigeants du football européen et mondial, alliés devenus rivaux, comparaissent libres devant le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone jusqu'au 22 juin, dans l'affaire qui a brisé leur carrière. Sepp Blatter a pris place au premier rang, du côté des accusés, à côté de son avocat Lorenz Erni, et Michel Platini au deuxième rang, à côté de son défenseur Dominic Nellen.
Le premier jour du procès a essentiellement porté sur questions de procédures et des demandes de la défense, qui ont toutes été rejetées par le Tribunal pénal fédéral. Les débats doivent reprendre jeudi et entrer dans le vif du sujet. A savoir les interrogatoires des deux anciens hommes forts du foot mondial et européen.
Le Français de 66 ans et le Suisse de 86 ans, qui connaîtront leur sort le 8 juillet, encourent jusqu'à 5 ans de prison pour "escroquerie", "gestion déloyale", "abus de confiance" et "faux dans les titres". Le parquet les accuse d'avoir "obtenu illégalement, au détriment de la FIFA, un paiement de 2 millions de francs en faveur de Michel Platini".
La Chambre pénale siège avec une formation de trois juges présidée par la juge pénale fédérale Joséphine Contu Albrizio. Le Ministère public de la Confédération (MPC) est représenté par le procureur de la Confédération Thomas Hildbrand.
Blatter: "J'ai la conscience tranquille"
A son arrivée au tribunal, Sepp Blatter a déclaré aux médias être dans un état d'esprit "optimiste comme toujours". Il a affirmé être "très confiant". "Si je n'étais pas confiant le premier jour du procès, ce serait mauvais", a-t-il ajouté.
"Cela fait 45 ans que je sers la FIFA, le football international, et c'est ma vie, ma vie professionnelle. Et maintenant je dois me défendre et je me défendrai bien, et surtout, parce que j'ai la conscience tranquille", a-t-il poursuivi. "Aujourd'hui, c'est le premier jour d'une série de 15 jours, alors j'écoute et je réponds", a conclu Sepp Blatter avant de se diriger vers l'entrée du tribunal.
De son côté, Michel Platini n'a pas voulu s'exprimer lors de son arrivée devant l'instance judiciaire.
Paiement "sans fondement"
Défense et accusation s'accordent sur un point: le Français a bien conseillé Sepp Blatter entre 1998 et 2002, lors du premier mandat de ce dernier à la tête de la FIFA, et les deux hommes ont signé en 1999 un contrat convenant d'une rémunération annuelle de 300'000 francs, intégralement payée par la FIFA.
Mais en janvier 2011, "plus de huit ans après la fin de son activité de conseiller", l'ex-capitaine des Bleus "a fait valoir une créance de 2 millions de francs", acquittée par l'instance du football "avec le concours" de Sepp Blatter, relève le parquet.
Pour l'accusation, il s'agit d'un paiement "sans fondement", obtenu en induisant "astucieusement en erreur" les contrôles internes de la FIFA par des affirmations mensongères des deux dirigeants, soit le critère clé de l'escroquerie.
Les deux hommes martèlent de leur côté qu'ils avaient dès l'origine décidé d'un salaire annuel d'un million de francs, oralement et sans témoins, sans que les finances de la FIFA n'en permettent le versement immédiat à Michel Platini.
Sources pas claires, selon un expert
Selon le pénaliste bâlois et expert en corruption Mark Pieth, il n'est pas clair d'où les enquêteurs pénaux ont obtenu leurs informations. S'exprimant à la radio suisse alémanique SRF, Mark Pieth a estimé mercredi que de nombreuses questions restent encore sans réponse.
Ainsi, on ne sait pas clairement d'où le MPC a tiré ses informations et si celles-ci sont utilisables, selon l'expert. Il a le sentiment "que quelque chose a été mis en scène et que la justice a peut-être été mise devant le fait accompli".
ats/ebz
Gianni Infantino, l'ennemi commun
Tout comme Sepp Blatter, Michel Platini dénonce le possible rôle de l'actuel patron du football mondial, Gianni Infantino, dans le déclenchement de l'enquête.
Ancien bras droit du Français à l'UEFA et élu inattendu à la tête de la FIFA en 2016, l'Italo-Suisse est visé depuis 2020 par une procédure portant sur trois rencontres secrètes avec l'ancien procureur général de la Confédération, Michael Lauber.
Mais la justice suisse ayant refusé de joindre les deux dossiers, les débats devraient rapidement se recentrer sur la réalité de l'accord oral des deux accusés.