Environ 600'000 personnes malentendantes et 370’000 personnes malvoyantes vivent en Suisse. Pour elles, il est difficile d’exercer leur droit de vote ou d’éligibilité, et d’influencer les conditions cadres de la société dans laquelle ils évoluent.
Prenons le vote: les personnes aveugles, malvoyantes et atteintes de surdicécité sont tributaires d’autrui pour exercer leurs droits politiques. En Suisse, elles ont la possibilité de solliciter soit l’aide d’une personne chargée d’une fonction publique, soit celle d’une personne de confiance, pour remplir leur liste électorale ou leur bulletin de vote.
Pas de secret de vote
Un droit fondamental dont est privé Béatrice Hirt. Aveugle, c’est son mari qui s’occupe de remplir son bulletin. "Aujourd’hui, mon secret de vote n’est pas garanti", souligne-t-elle. Un droit qui est pourtant exigé par la convention de l'Organisation des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.
Un nouvel outil pourrait cependant changer la donne. L’Union centrale suisse pour le bien des aveugles (UCBA) a récemment développé une solution tactile qui leur permet de voter seuls.
L’outil devait avant tout être approuvé par le Parlement. Un travail dont s’est chargé Jan Rhyner, responsable de la défense des intérêts des aveugles à l’UCBA. En avril, la commission des institutions politiques du Conseil national a décidé de charger le Conseil fédéral de préparer la mise en place de solutions pour aider ces personnes à voter de façon autonome.
"Je suis très satisfait. Ça montre qu’une solution pragmatique peut être réalisée et mise en place de manière rapide, et que la situation des personnes malvoyantes en politique peut vraiment être améliorée", se réjouit-il.
Lente reconnaissance
Autre combat à Berne: la langue des signes. Il y a deux semaines, le National a accepté une motion demandant la reconnaissance des trois langues des signes suisses dans une loi fédérale. La validation de ce texte doit permettre de promouvoir l’égalité des chances des personnes sourdes dans plusieurs domaines comme l’accès à l’information, la participation politique ou la formation.
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Les échanges ont été minutieusement suivis par une délégation de la Fédération suisse des sourds, et les débats traduits en langue des signes pour l'occasion. En temps normal, ces discussions sont impossibles à suivre pour les malentendants.
"Être membre d’un parti est quasiment impossible pour une personne malentendante, car les coûts des interprètes se comptent en milliers de francs. Aujourd’hui il n’y pas d’élu fédéral sourd, ni dans les parlements cantonaux", détaille André Marty, lobbyiste pour la Fédération suisse des sourds.
Peu d’élus
Vincent Guyon incarne ce combat. Élu en 2020 dans la petite commune de Rances, le Vaudois de 49 ans est le premier malentendant de Suisse à siéger dans un exécutif. Une avancée de taille pour la communauté sourde. "J’ai postulé parce que j’aimais vraiment ce village, c’était comme une déclaration d’amour. J’ai été élu au premier tour… Une victoire pour moi et pour tous les sourds de Suisse", confie-t-il.
Sourd de naissance, l’élu ne communique pas en langue des signes, mais lit sur les lèvres. Une codeuse l’aide grâce au langage parlé complété. "Quand je suis seul en tête à tête avec un partenaire tout se passe bien, j’avertis au préalable que je suis sourd et la personne est compréhensive. Mais suivre une discussion de groupe nécessite l’aide d’une codeuse", poursuit-il.
Le coût de l’interprète n’est pris que partiellement en charge par l’assurance invalidité. Le reste est à la charge de la commune.
"Je pense que les autres élus apprennent aussi quelque chose. On prend plus de temps durant les séances. C’est positif et c’est une bonne expérience pour toute l’équipe", témoigne Alcide Pisler, Syndic de Rances.
Vincent Guyon a déjà son prochain objectif: se présenter pour les élections fédérales de 2023.
Sujet TV: Céline Brichet
Adaptation web: saje