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Crispation autour de la loi sur la transparence après des propos du chef du Contrôle fédéral des finances

Mise en œuvre de la loi sur la transparence du financement des partis: interview de Michel Huissoud
Mise en œuvre de la loi sur la transparence du financement des partis: interview de Michel Huissoud / Forum / 6 min. / le 12 juin 2022
Alors que le Conseil fédéral a adopté le 18 juin 2021 un contre-projet à l'initiative sur la transparence, le chef du Contrôle fédéral des finances (CDF), en charge de la vérification du financement de la vie politique, s'oppose à celui-ci. Pour le conseiller aux Etats Olivier Français, Michel Huissoud sort de son rôle.

Le Contrôle fédéral des finances (CDF) doit vérifier la transparence du financement de la vie politique. L'ordonnance prévue par le Département de la justice pour la mise en œuvre ne permet toutefois "pas un contrôle efficace", a estimé dimanche dans l'émission Forum le chef du CDF Michel Huissoud.

"Ce contrôle ne peut avoir lieu sur place qu'avec le consentement des acteurs politiques. C'est une invitation à refuser les contrôles", dénonce-t-il. Michel Huissoud menace de ne pas assumer l'exécution des nouvelles règles de transparence si aucune amélioration n'est apportée au projet d'ordonnance.  Il envisage de confier cette tâche à la Chancellerie fédérale.

Une attitude contestée par l'Office fédéral de la justice (OFJ) qui rappelle que le CDF ne peut pas refuser de nouvelles tâches que le Conseil fédéral lui confie sur la base d'une nouvelle loi.

De quoi s'agit-il?

Après des années de négociations, le Parlement a finalement adopté le 18 juin 2021 un contre-projet indirect à l'initiative de la gauche sur la transparence, qui a par conséquent été retirée.

L'ordonnance sur la transparence du financement de la vie politique est désormais en consultation. Selon le texte, les partis devraient bientôt publier les dons de plus de 15'000 francs par personne et par an.

En ce qui concerne les campagnes électorales ou référendaires, si plus de 50'000 francs sont dépensés, le principe de transparence s’applique aussi et les informations devront être révélées 45 jours avant le scrutin. Enfin, ceux qui acceptent de l'argent de source anonyme ou de l'étranger doivent s'attendre à une amende pouvant aller jusqu'à 40'000 francs.

Selon le projet présenté par le Conseil fédéral, la tâche de surveiller le financement des partis politiques reviendrait au Contrôle fédéral des finances. Son budget a déjà été augmenté de 2,4 millions de francs, notamment pour de nouveaux postes. Et un système d'annonces permettant aux comités et aux partis de communiquer leurs financements est en cours d'élaboration.

Or, les contrôleurs financiers pourront faire des vérifications aléatoires, mais seulement avec l'accord des personnes concernées. S'ils se présentent au secrétariat d'un parti, celui-ci peut refuser le contrôle.

Des exigences au-delà de la loi?

Pour Michel Huissoud, non seulement le consentement des acteurs politiques pour effectuer des contrôles est problématique mais cette ordonnance manque également de transparence.

"La loi prévoit que, même si on sait qu'il y a une faute d'addition dans une liste ou qu'un montant est faux, on doit publier ces informations comme elles nous ont été fournies. Sans remarques ou changement", explique-t-il. Et d'ajouter: "on attend de nous de publier des informations qu'on sait fausses".

De son côté, l'OFJ explique qu'il n'existe pas de base légale permettant d'effectuer des contrôles de la comptabilité sur place contre la volonté des personnes concernées. Il n'existe pas non plus de base légale permettant d'apporter des indications sur de présumées incohérences dans les données publiées. "Les exigences du CDF vont au-delà de la loi", note l'Office fédéral de la justice.

>> Les explications de Forum sur le projet du Conseil fédéral :

Le Conseil fédéral est-il en train de torpiller la loi sur la transparence des partis?
Le Conseil fédéral est-il en train de torpiller la loi sur la transparence des partis? / Forum / 2 min. / le 12 juin 2022

Propos recueillis par Renaud Malik

Adaptation web: Andreia Portinha Saraiva

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Olivier Français: "Le contrôle fédéral des finances n'est pas un tribunal"

Au lendemain de l'intervention du chef du Contrôle fédéral des finances (CDF) Michel Huissoud dans Forum, le conseiller aux Etats PLR vaudois Olivier Français a réagi avec fermeté: "ce n'est pas courant qu'un fonctionnaire élu par le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale se permette de faire une intervention de ce type au niveau médiatique et mette le doute alors même que l'ordonnance n'est pas finie".

"Le Contrôle fédéral des finances n'est pas un tribunal. Ce qui est demandé à une autorité est qu'elle s'assure que les partis politiques, les personnes élues aient respecté la loi. S'il y a doute, cela va à l'autorité judiciaire. La loi est claire: il faut le consentement des acteurs politiques pour des contrôles d'échantillonnages", a encore relevé Olivier Français.

"Michel Huissoud se met en avant, mais sa mission est de travailler avec le Contrôle fédéral des finances et le Parlement pour dénoncer les choses pas acceptables. Il va un peu vite en besogne dans son analyse", a conclu le conseiller aux Etats.

>> L'interview complète d'Olivier Français dans Forum :

Olivier Français. [Keystone - Laurent Gilliéron]Keystone - Laurent Gilliéron
Pourquoi une telle résistance à propos de la loi sur la transparence? Interview d’Olivier Français / Forum / 6 min. / le 13 juin 2022