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Les pertes liées à la suppression de l'impôt anticipé pourraient avoir été sous-évaluées

Le référendum contre la réforme de l'impôt anticipé a été déposé le 05.04.2022 à Berne. [Keystone - Anthony Anex]
L’impact de la suppression de l’impôt anticipé est-il sous-estimé? / Forum / 3 min. / le 19 juin 2022
Le 25 septembre prochain, la population suisse vote sur la suppression de l'impôt anticipé pour les obligations suisses. En cas d'acceptation, la gauche craint que les pertes fiscales soient plus importantes que les 200 millions de francs par année articulés par le Conseil fédéral.

Le Parti socialiste (PS) table sur des pertes beaucoup plus importantes de l'ordre de 600 à 800 millions de francs, selon un document que la RTS s'est procuré. Comme souvent sur les sujets fiscaux, il y a désaccord sur les chiffres.

Porte ouverte à la soustraction fiscale

Les obligations émises par des entreprises en Suisse sont actuellement soumises à un impôt anticipé de 35%. Cette taxe représente un désavantage concurrentiel selon la droite et le Conseil fédéral, la Suisse étant l'un des derniers pays à pratiquer cet impôt. Celui-ci dissuaderait les investisseurs suisses et étrangers de lever des fonds sur le marché suisse des capitaux.

Résultat: pour éviter des tracasserie administratives, les investisseurs se détournent de la Suisse et visent les places financières étrangères, comme le Luxembourg. Pour Berne, abolir cet impôt permettrait de redonner du souffle au marché des capitaux helvétique et créerait des revenus supplémentaires, renforçant la croissance économique du pays.

Mais pour la gauche, ce serait la porte ouverte à la soustraction fiscale. Car, en principe, les investisseurs étrangers ou suisses peuvent demander le remboursement de l'impôt anticipé.

Or, beaucoup d'entre eux ne le font pas. L'hypothèse de la gauche est qu'une partie des investisseurs font précisément déjà de la soustraction fiscale et ont donc intérêt à ne pas se signaler au fisc. Les recettes générées par l'impôt anticipé de 35% restent ainsi dans les caisses de l'Etat. L'abolition de l'impôt anticipé engendrerait in fine une baisse des rentrées fiscales.

Mais qui dit vrai?

Le Conseil fédéral a établi ses calculs en se basant sur un taux d'intérêt de 1%. Selon une étude de l'Administration fédérale des contributions, la perte de 200 millions de francs devrait être épongée après cinq ans. La réforme doit permettre d'améliorer la compétitivité de la Suisse et ainsi générer de nouvelles recettes fiscales.

Le PS, les Verts et les syndicats ne croient pas à ce scénario. Ils estiment au contraire que les pertes seraient beaucoup plus massives, en raison des taux d'intérêt qui, à termes, vont remonter.

La gauche a ainsi demandé une simulation à l'administration fédérale. C'est ce document que la RTS a pu se procurer. Avec des taux d'intérêt entre 3% et 4% - selon un modèle utilisé par le gouvernement pour d'autres réformes -, les pertes se situeraient finalement entre 600 et 800 millions de francs par année.

La semaine dernière, la Banque nationale suisse (BNS) a corrigé ses taux directeurs entraînant avec eux la hausse des taux d'intérêt à 10 ans, remontés à 1,45%. De quoi donner raison à la gauche? Selon l'avis de spécialistes interrogés par notre rédaction: "non", en raison de la stabilité du pays et son statut de valeur refuge. Ils jugent le scénario d'un taux à 4% peu réaliste.

Les pertes fiscales en cas d'abolition de l'impôt anticipé pourraient tout de même être supérieures aux 200 millions de francs estimés par le Conseil fédéral dans son message.

>> Ecouter le débat de Forum entre Cédric Wermuth (PS) et Olivier Feller (PLR) :

Débat entre Cédric Wermuth, co-président du PS, et Olivier Feller, conseiller national PLR vaudois. [RTS - RTS]RTS - RTS
L’impact de la suppression de l’impôt anticipé, le débat entre Cédric Wermuth et Olivier Feller / Forum / 8 min. / le 19 juin 2022

Céline Fontannaz/jfe

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