Coup sur coup, les avocats des deux accusés ont plaidé l'acquittement de l'ancien président de la FIFA Sepp Blatter, 86 ans, et de Michel Platini, 67 ans, qui fut son conseiller personnel puis vice-président de la FIFA et président de l'UEFA. La plaidoirie la plus musclée a été livrée lundi à Bellinzone par l'avocat du Français, Dominic Nellen, devant les trois juges du Tribunal pénal fédéral. Son angle d'attaque: tout est absurde dans le dossier du Ministère public de la Confédération.
L'avocat a longuement démonté l'accusation d'escroquerie et de faux dans les titres, là où, selon lui, il n'y a qu'un bête versement d'un arriéré de salaire de deux millions de francs en faveur de Platini de la part de Sepp Blatter lorsqu'il était encore aux commandes de la FIFA. Et d'ironiser sur ce "délit impossible", où tout a été déclaré aux assurances sociales et aux impôts: "Deux escrocs qui planifient en secret de dépouiller une entreprise pour s'enrichir procéderaient-ils vraiment ainsi?", a demandé aux juges Dominic Nellen.
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Absence de mobile dénoncée
Pour l'avocat de Sepp Blatter, Lorenz Erni, le dossier de l'accusation ne tient pas non plus debout: "L'accusation du Ministère public de la Confédération est tellement absurde, qu'il peut être démontré en quelques minutes que seul l'acquittement est possible".
Dans une plaidoirie qui a tout de même duré deux heures, vendredi dernier, il a mis l'accent sur l'absence de preuves apportées par l'accusation pour démontrer que le contrat oral passé entre les deux hommes en 1998 ne serait qu'une histoire inventée rétroactivement pour se couvrir. Et que le versement rétroactif de 2011 des deux millions de francs pour solde de tout compte reposerait sur un montage cousu de fil blanc.
Mais, surtout, la défense de Sepp Blatter a souligné l'absence de mobile avancée par le Parquet fédéral, accusé de se baser sur des intuitions, des insinuations.
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Une affaire dans l'affaire
Au terme de ce procès qui a débuté le 8 juin, il ressort deux versions complètement opposées entre l'accusation et la défense sur les faits, à savoir cette histoire initiale de poignée de mains entre Blatter et Platini, puis une facture rétroactive de deux millions de francs.
Le rôle de la FIFA et de son président actuel Gianni Infantino, partie plaignante dans ce procès, est aussi à retenir. L'avocat de Michel Platini a dénoncé son "agressivité" et a parlé de "non-dits et de choses honteuses pour l'ordre juridique suisse dans cette affaire".
Il fait référence à la théorie du complot chère à Michel Platini, qui veut que l'affaire des deux millions aurait été utilisée en 2015 pour lui nuire et l'empêcher de rependre les rennes d'une FIFA alors en pleine crise et sous enquête des justices américaine et suisse.
"Votre tribunal doit donc rendre un jugement qui refuse l'instrumentalisation de la justice de notre pays par une institution comme la FIFA", a plaidé Dominic Nellen. Plusieurs indices troublants ont été livrés pendant le procès sur de possibles manœuvres à l'été 2015 entre le camp de Gianni Infantino et le Ministère public de la Confédération.
Une enquête pénale parallèle est d'ailleurs toujours en cours sur les rencontres secrètes qui ont suivi entre l'ancien procureur général Michael Lauber et Gianni Infantino. Il se pose aussi la question de savoir pourquoi le Parquet fédéral s'est concentré sur ces deux millions de francs, alors que les grandes enquêtes lancées en 2015 étaient censées viser bien plus large et débusquer la corruption dans l'attribution du Mondial à la Russie et au Qatar.
Aujourd'hui et éventuellement encore demain, le jeu des répliques doit permettre de finir de convaincre tant du côté de l'accusation que de la défense, avec un jugement toujours attendu le 8 juillet prochain.
Ludovic Rocchi