"Notre étude montre clairement qu'en Suisse, la consommation d'opioïdes est en forte augmentation", a indiqué lundi Andrea Burden, professeure de pharmaco-épidémiologie à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ). L'étude a été publiée dans la revue spécialisée The Lancet.
Les ventes en Suisse ont augmenté à peu près dans les mêmes proportions qu'aux Pays-Bas et au Danemark. Toutefois, les ventes par habitant en Suisse ont été "substantiellement plus élevées au cours des dernières années", selon Andrea Burden. Entre 2000 et 2019, le nombre d'appels d'urgence pour des intoxications aux opioïdes a augmenté de 177%. Dans le même temps, les ventes de ces analgésiques ont progressé de 91%.
Pour Thierry Buclin, médecin chef du service de pharmacologie à la clinique au CHUV , interrogé mercredi dans La Matinale, c’est une corrélation normale. C'est surtout le dosage qui est à risque.
Situation à surveiller
Selon les chercheurs, la consommation d'opioïdes en Suisse n'a pas atteint les proportions épidémiques observées aux Etats-Unis. La situation doit néanmoins être surveillée. Pour éviter une épidémie, un monitoring est nécessaire.
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Les plus fortes augmentations de consommation en Suisse concernent des opioïdes forts, notamment l'oxycodone, un des moteurs de la crise des opioïdes aux Etats-Unis. Les ventes de ce puissant analgésique ont "considérablement augmenté" entre 2009 et 2016 en Suisse.
L'opioïde le plus souvent signalé et vendu en Suisse en 2019 était le tramadol, un analgésique peu puissant. Viennent ensuite l'oxycodone et le fentanyl, deux opioïdes puissants.
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Consommation illégale et surdoses
L'étude ne dit presque rien sur la consommation illégale de fentanyl, car les cas d'intoxications graves ne sont pratiquement jamais signalés à Tox Info. Les personnes concernées s'adressent directement au service d'urgence. L'effet du fentanyl est 50 fois supérieur à celui de l'héroïne. Cet analgésique présente un fort potentiel de consommation illégale et de surdoses mortelles, selon les chercheurs de l'EPFZ.
"Les chiffres présentés dans l'étude ne sont que la partie émergée de l'iceberg", estime Andrea Burden. "Nous avons absolument besoin de plus de données pour comprendre les dommages associés à la consommation d'opioïdes en Suisse, notamment le nombre de personnes ayant développé une dépendance via les prescriptions médicales et le nombre de décès liés aux opioïdes". Une étude de suivi est prévue.
ats/hkr