Barrières de sécurité, barbelés, bateaux de surveillance, camions de transports et militaires: la ville de Lugano et ses environs ont pris depuis quelques jours l'allure d'un camp retranché, qui rappelle un peu ce à quoi avait ressemblé Genève lorsqu'elle avait organisé une rencontre entre le président russe Vladimir Poutine et son homologue américain Joe Biden en juin 2021.
Comme son nom l'indique, la conférence internationale sur la reconstruction de l'Ukraine, qui débutera lundi et se terminera mardi, a pour ambition de réussir à coordonner l'aide envers le pays attaqué le 24 février dernier par les forces russes.
Plus d'un millier de participants
Au total, ce sont plus d'un millier de participants de haut niveau qui sont attendus à Lugano, dont le président de la Confédération Ignazio Cassis, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga ou encore la présidente du Conseil national Irène Kälin (Verts/AG).
Aucun chef d'Etat étranger ne sera cependant présent. Plusieurs chefs de gouvernement, dont ceux de la République tchèque, qui assure la présidence de l'UE, de la Lituanie ou de la Pologne feront par contre le déplacement. Au total, ce sont 15 ministres de différents pays qui prendront la direction du Tessin et plusieurs vice-ministres des grandes puissances.
La conférence internationale devrait aussi accueillir la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen (lire encadré 2), ainsi que 18 organisations internationales, des acteurs du secteur privé et des ONG. Un temps annoncé, le président ukrainien Volodymyr Zelensky ne fera quant à lui pas le voyage, remplacé par le Premier ministre Denys Chmygal, arrivé dimanche au Tessin.
"Réfléchir aux prochaines étapes"
Invité de Forum à la fin du mois de juin, Ignazio Cassis avait expliqué que le but de cette conférence était de penser déjà "au prochain chapitre", afin que le plan de relance et de reconstruction puisse être tout de suite mis en place à la fin des hostilités.
Le Tessinois disait par ailleurs souhaiter que les participants réfléchissent ensemble aux prochaines étapes. "Comment va-t-on s'y mettre? Quels sont les principes qui doivent nous guider vers la préparation d'un plan de reconstruction? Qui est légitimé à s'asseoir à la table de cette reconstruction et quel est le laps de temps que nous imaginons pour y parvenir?"
Sur le papier, la conférence doit surtout donner à Kiev, qui a un besoin urgent de financement, l'occasion de partager son plan de relance et de discuter avec toutes les parties prenantes de la meilleure façon de relever les défis à venir.
"Lugano sera l'une des premières, voire la première plateforme de discussion de la reconstruction de l'Ukraine, des étapes concrètes et d'un plan", a expliqué Artem Rybchenko, ambassadeur d'Ukraine en Suisse. La conférence devrait se conclure par une déclaration commune qui doit établir les "priorités, méthode et principes" de ce rétablissement ukrainien.
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Des critiques sur le timing
Reste à savoir s'il fait sens d'organiser une conférence de reconstruction d'un pays qui est toujours en guerre. Une guerre qui est, selon de nombreux analystes, partie pour s'installer dans la durée.
Sur les ondes de la RTS, l'ancien ambassadeur suisse en Russie Yves Rossier avait estimé qu'il était "un peu tôt" pour organiser un tel événement. "Pour l'instant, c'est la destruction de l'Ukraine qui est en cours, la destruction de ses infrastructures et de ses villes", avait-il fait remarquer dans La Matinale.
Alors que les bombes continuent à tomber sur de larges portions du territoire ukrainien, l'idée de penser à la reconstruction maintenant peu en effet détonner. Mais cette réunion semble surtout ici avoir pour but de garder fermement l'Ukraine au centre de l'agenda international. Un message de soutien fort adressé à Kiev et au peuple ukrainien.
La conférence internationale sur la reconstruction de l'Ukraine sera suivie en direct par RTSinfo.ch
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Une "bonne image" pour la Suisse, selon Nicolas Bideau
Si la thématique n'est ici pas prioritaire, la conférence de Lugano devrait également donner une très bonne image de la Suisse à l'étranger. C'est ce qu'estime Nicolas Bideau, directeur de Présence Suisse, dans Le Matin Dimanche.
Cette conférence "est le sujet d'actualité internationale et une chance en matière d’image", explique Nicolas Bideau dans un entretien diffusé par l'hebdomadaire romand. "Nous donnons ici l'image d'un pays capable d'anticipation et de vision".
De plus, ajoute-t-il, "cette visibilité n'offre pas seulement un capital sympathie à notre pays", elle permet aussi d'expliquer le point de vue de la Suisse sur des sujets, "tels que sa politique étrangère, sa neutralité et sa politique des sanctions".
"Compatible" avec la neutralité
Si la Suisse a pris fait et cause pour l'Ukraine après l'attaque de la Russie, la conférence de Lugano est "compatible" avec la neutralité, car elle porte sur l'avenir du pays, estime Nicolas Bideau. "Il ne s'agit pas de discuter de questions militaires, mais de soutien à l'Ukraine dans la reconstruction civile et le processus de réforme", dit-il.
Quant au fait que la Suisse applique les sanctions contre la Russie, cette décision, si elle "la rend crédible et respectable auprès des pays qui partagent des valeurs similaires [...] il faudra voir ce qui se passe pour la Suisse après le conflit ou lors d'un cessez-le-feu", remarque le directeur de Présence Suisse.
Rencontre Cassis - Von der Leyen
Le président de la Confédération Ignazio Cassis s'entretiendra par ailleurs en tête-à-tête avec son homologue de l'Union européenne (UE), Ursula von der Leyen, en marge de la conférence de Lugano sur l'Ukraine, rapporte la SonntagsZeitung.
Si le Département fédéral des Affaires étrangères a confirmé au journal la rencontre, il n'a pas précisé les sujets au menu des discussions. Selon la SonntagsZeitung, outre la reconstruction de l'Ukraine, les relations entre la Suisse et l'UE devraient aussi être abordées.