L'Office fédéral de la statistique l'annonçait lundi, l'indice des prix à la consommation (IPC) a accéléré à +3,4% sur un an, après avoir crû de 2,9% en mai, de 2,5% en avril et de 2,4% en mars. Ces chiffres sont dans le haut de la fourchette des prévisions des économistes interrogés par l'agence AWP, qui tablaient sur une hausse des prix comprise entre 2,8% et 3,5% sur un an.
"C'est comme un diable qui sort de sa boîte"
Plusieurs facteurs expliquent ce taux relativement bas en comparaison internationale, détaille l'ancien vice-président de la Banque nationale suisse et aujourd'hui professeur à l'EPFL, Jean-Pierre Danthine: "Le franc s'est raffermi. Il est un peu comme une barrière de protection contre une partie de l'inflation. C'est un peu comme un bateau dans un sillon, on a des phénomènes d'inertie qui sont plus marqués en Suisse. En général, on dit aussi qu'on est un peu moins dépendant de l'énergie, qui est le facteur dominant dans l'augmentation des prix."
L'économiste rappelle que l'inflation en générale est inquiétante: "C'est un diable qui sort de la boîte et il est très difficile de le remettre dedans", image-t-il.
"Il est possible de remettre le dentifrice dans le tube"
Jean-Pierre Danthine distingue deux types d'inflation: basse et haute. "Aujourd'hui, on est entre les deux, dans un phénomène de transition. Si les banques centrales agissent suffisamment fortement et de manière crédible, il est possible de remettre le dentifrice dans le tube", pour reprendre la métaphore de l'ancien président de la banque centrale allemande, qui déclarait: "L'inflation c'est comme le dentifrice, une fois sorti du tube, on peut difficilement le faire rentrer à nouveau."
"Il faut comparer ce qui se passe dans les autres pays, en Europe et aux Etats-Unis, on est plus proche de 10%. En Suisse on est encore dans une situation relativement favorable, mais c'est clair que les banques centrales doivent prendre leur bâton de pèlerin et faire ce qu'elles sont appelées à faire, c'est-à-dire essayer de retrouver la stabilité des prix, à savoir une inflation inférieure à 2%", assène le professeur de macroéconomie.
"Bonne décision" de la BNS
Mi-juin, la BNS a annoncé monté son taux de 50 points, surprenant passablement de monde, alors qu'une décision de ce type était plutôt attendue pour le mois de septembre.
"C'est une bonne décision, parce que c'était inévitable. Les banques centrales ont été plutôt en retard par rapport au mouvement, ce qui explique partiellement la montée de l'inflation. Le faire plus tôt et le plus fermement est une bonne chose qui renforce la position de la BNS et le message qu'on lance aux Suisses: qu'on prend l'inflation à bras le corps", analyse Jean-Pierre Danthine.
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Pour la BNS, l'équation est simple, mais périlleuse: faire freiner la demande, sans tomber dans une récession. "C'est pour ça que venir tôt est favorable. Si on agit trop tard, il n'y a pas de solution. Le freinage doit être très fort et on entre en récession. En arrivant tôt, on peut espérer ralentir un peu le gonflement de la demande", explique celui qui est aussi directeur de l'Enterprise of Society Center.
"Ce qui est vraiment important, c'est d'éviter une catastrophe, comme une crise financière. Un ralentissement de l'économie - alors que l'on est dans une phase favorable en termes de croissance en Suisse -, est une bonne chose aussi. Le commun des mortels ne le ressentira pas, dès le moment où l'économie est suffisamment bonne pour maintenir les emplois, ce qui est le cas dans notre pays. Cela devrait nous permettre d'éviter une récession et une crise", décortique finalement Jean-Pierre Danthine.
Propos recueillis par Valérie Hauert
Adaptation web: Jérémie Favre