En proie au réchauffement climatique, de nombreux glaciers suisses sont sous surveillance
La Suisse compte près de 1400 glaciers, dont une vingtaine présentent des risques d'éboulements similaires à ce qui s'est produit ce dimanche dans les Alpes italiennes. Beaucoup sont situés dans le Haut-Valais, comme l'explique Matthias Huss, glaciologue à l'Ecole polytechnique de Zurich.
"Par exemple, le glacier de Trift au Weissmies, au-dessus de Saas-Fee, est un endroit dangereux. De grandes parties se sont déjà détachées par le passé", explique-t-il au micro de La Matinale.
Glaciers dangereux répertoriés
Mais ce glacier-là est heureusement sous observation, permettant de prévenir des tragédies comme celle du glacier de la Marmolada dans les Dolomites. "Si on a un monitoring sur place, si on a des observations, des données qui documentent comment le glacier change, si la glace devient instable, on peut prévenir les gens", assure-t-il.
En Suisse, il existe d'ailleurs un inventaire des glaciers dangereux qui est actualisé chaque année, comme l'indique Ingrid Senn, ingénieure à Geoformer, entreprise spécialisée dans l'observation des dangers naturels. "Pour ceux qui sont les plus dangereux, on a une surveillance opérationnelle journalière ou hebdomadaire. On a des images de caméras automatiques, des analyses, et en fonction de ce que l'on voit, on regarde ce qui pourrait se produire."
Le risque zéro n'existe pas
Néanmoins, ces dernières années, l'accélération du réchauffement climatique observée en montagne complique grandement les choses. "Le problème, c'est qu'on ne connaît probablement pas tous les sites qui sont dangereux dans les Alpes. Comme le montre le cas de Marmolada, il y a des sites nouveaux qui se forment avec le changement climatique. Quand il n'y a pas de monitoring sur place, il n'y a pas de moyens de prévenir les gens", déplore Matthias Huss.
Les spécialistes s'accordent donc à rappeler que le risque zéro n'existe pas. Et que malgré leur surveillance, ces phénomènes peuvent se produire aussi là où on ne les attend pas.
Un danger déjà bien connu
Une chose est sûre, ce risque d'accident va avoir tendance à se produire plus fréquemment en altitude, affectant les glaciers tempérés, mais aussi les glaciers froids (situés à plus de 3500 m pour les Alpes), comme le confirme le glaciologue français Bernard Francou interrogé par l'AFP.
"Mais disons que les glaciers ont toujours été dangereux, ce n'est pas pour ça qu'il ne faut pas les visiter, car un glacier, c'est magnifique", relativise-t-il, rappelant la plus grande catastrophe connue qui s'est produite au Pérou en 1970. "Elle a été provoquée par un séisme extrêmement violent qui a secoué la montagne et fait partir une belle tranche de glacier à une altitude de 6600 mètres. Une petite ville a été rayée de la carte, il y a eu 20'000 morts."
Pour lui, il ne faut pas dire que les glaciers deviennent infréquentables. "Il faut garder la tête froide et les regarder comme ce qu'ils sont, c'est-à-dire des objets naturels qui peuvent passer par des phases où ils sont dangereux et d'autres où ils ne le sont pas."
Sujet radio: Virginie Langerock
Adaptation web: Fabien Grenon
Caroline George: "Il y a toujours eu des éboulements en montagne et il y en aura toujours. On s'adapte"
Avec la hausse des températures en montagne, les glaciers s'effritent et plusieurs cabanes déplorent un manque d'eau. La consommation de montagne durant l'été est-elle appelée à changer ces prochaines années?
"Je ne pense pas que ça va changer", répond la guide de montagne Caroline George dans Forum. "Mais ça va amener à prendre conscience de l'évolution rapide de la situation, des éléments avec lesquels on doit jongler en montagne, le terrain, les conditions, la météo, les températures... De tout temps, on a dû jongler avec ça."
Certaines zones s'effondrent plus vite que d'autres, notamment avec la fonte du permafrost. "Mais des éboulements, il y en a toujours eu et il y en aura toujours. C'est sûr que les températures actuelles, qui se prolongent sur de plus longues périodes, ont un impact sur les massifs, particulièrement ceux qui sont plus jeunes comme celui du Mont Blanc", poursuit-elle.
Et concernant les glaciers, les températures extrêmes peuvent avoir un impact. "Mais de tout temps, les glaciers ont réagi comme ça. Je ne pense pas que ça peut être exclusivement la cause, ça peut être lié." Avant d'ajouter: "C'est une évolution à laquelle on s'adapte, comme on l'a toujours fait. En tant que guides, notre travail est d'offrir à nos clients des itinéraires que l'on considère comme sûrs."