Publié

Le casse-tête du démontage de l'ancienne station de ski de Super Saint-Bernard (VS)

Qui va payer le démontage des petites stations de ski en Suisse?
Qui va payer le démontage des petites stations de ski en Suisse? / L'actu en vidéo / 1 min. / le 5 juillet 2022
Près de Bourg-Saint-Pierre (VS), un ancien téléphérique rouille depuis dix ans. Et la commune est loin d'être la seule en Suisse à se retrouver avec une installation d'un autre temps sur les bras, car les petits domaines skiables mettent souvent la clé sous la porte. Et le coût du démontage pose aussi problème.

Dans la vallée qui mène vers le col du Grand-Saint-Bernard, une rangée de pylônes de téléphérique rouillés ouvre une balafre vers les sommets. Le téléphérique est à l'arrêt depuis 2010, lorsque Super Saint-Bernard, la petite station de ski d'une vingtaine de kilomètres de pistes, a mis la clé sous la porte. L'installation attend un repreneur ou d'être démontée.

"J'aimerais franchement qu'on détruise ça, qu'on le rase", lance Claude Lattion, ancien directeur de la station. "Pour le paysage, quand on arrive d'Italie par le col du Grand Saint-Bernard et qu'on voit ça..."

Qui va payer la démolition?

La Suisse fait depuis plusieurs années face à la fermeture de petits domaines skiables, qui subissent les difficultés économiques de la branche. En principe, la loi exige que le propriétaire prenne en charge le démontage des remontées mécaniques désaffectées.

Reste un cas épineux: si, comme au Super Saint-Bernard, la société exploitant la station a fait faillite, le domaine est saisi, ouvrant des discussions pour déterminer qui du canton ou de la commune doit régler la facture du démantèlement.

Quatorze installations sont concernées dans le pays, selon l'Office fédéral des transports, responsable d'environ un quart des 2433 remontées suisses. Derrière ces discussions, qui peuvent durer des années, apparaît la douloureuse question de l'après-ski alpin, qui a fait la richesse de vallées entières pendant des décennies.

>> Lire aussi : La douloureuse question du démantèlement des remontées mécaniques abandonnées

"C'est une question qui va prendre une place importante dans le développement politique et économique de la Suisse entière", prédit Gilbert Tornare, président de la petite commune de Bourg-Saint-Pierre. "Actuellement, la Suisse n'est pas prête à cela."

S'il assure "étudier plusieurs solutions" pour enlever "cette verrue", le président estime les coûts trop importants pour son village de 200 habitants. Il faudrait entre 1,8 et 2 millions de francs pour démolir les stations de départ et d'arrivée, démonter les pylônes et dépolluer le site, situé entre 1950 et 2800 mètres d'altitude. Le canton du Valais, lui, envisage de recourir à l'armée pour limiter les frais.

Les petites stations en difficulté

Pour le député vert Christophe Clivaz, l'exemple illustre les problèmes chroniques des petites stations, qui ont "beaucoup de difficultés à trouver du financement", malgré l'apport de subventions publiques.

Selon l'expert du tourisme de montagne Laurent Vanat, il est "difficile d'être rentable" pour les stations accueillant moins de 100'000 skieurs par an. Au moment de sa fermeture, Super Saint-Bernard en attirait 4 à 5 fois moins, pénalisé par sa position isolée, à plusieurs kilomètres du village le plus proche.

A cause du changement climatique, d'autres domaines risquent de fermer, souligne Christophe Clivaz, professeur associé à l'université de Lausanne et spécialiste d'économie touristique en marge de son activité parlementaire.

Après avoir interpellé le Conseil fédéral à ce sujet en 2021, il discute actuellement avec les Remontées Mécaniques Suisses, l'association des professionnels de la branche, de la création d'un fonds de réserve. Le but: "Mettre de l'argent de côté en prévision du démantèlement", qui pourrait également être "réutilisé pour des investissements."

Contactée, l'association juge "qu'il n'est pas nécessaire d'alimenter un fonds en raison du nombre limité d'installations" concernées.

Une seconde vie?

Observant du coin de l'oeil le bâtiment ouvert aux quatre vents et couvert de graffitis, Claude Lattion évoque sa "tristesse". "Certes, ce n'est plus exploité mais c'est quelque chose qui pourrait servir."

Un jeune entrepreneur local ambitionne de donner une seconde vie au domaine, transformant l'ancienne station d'arrivée en hôtel, accessible par un petit téléphérique.

Deux pistes non damées l'hiver, des sentiers de randonnée l'été: un tourisme plus doux, à contre-courant du fonctionnement actuel de l'industrie du ski, sauf que le plan est au point mort depuis cinq ans. "C'est pas vraiment dans l'air du temps, de refaire une station de ski", conclut Claude Lattion.

afp/doe

Publié