Avec la baisse des températures, des centaines d'Ukrainiennes et d’Ukrainiens pourraient, faute de carburants pour se chauffer, abandonner leur hébergement et chercher refuge en Suisse, prédit dans un de ses scénarios le Secrétariat d'Etat aux Migrations (SEM). Les cantons sont ainsi sous pression pour trouver des logements pérennes et des structures d'urgence.
Afin d'être prêtes d'ici l'automne, les autorités, qui comptent toujours sur la solidarité de la population, s'attellent à louer un maximum d'appartements. A Fribourg, la recherche de logements s'intensifie. "Nous avons renforcé les équipes qui cherchent activement des hébergements adaptés et avons eu des échanges avec les régies immobilières et les propriétaires pour favoriser cette recherche", a rapporté Jean-Claude Simonet, chef de l'état-major de crise pour l'accueil des Ukrainiennes et Ukrainiens dans le canton, lundi dans le 12h30.
Des logements temporaires
Pour des solutions d'urgence, les cantons ont commencé à louer des colonies de vacances, des halls de sport, ainsi que des chambres d'hôtel et des bureaux. A Genève, l'Hospice général mène actuellement des travaux d'aménagement pour créer 500 nouvelles places d'ici la fin de l'année. Déjà implantés à Berne, la construction de bâtiments temporaires préfabriqués est aussi à l'étude ailleurs en Suisse romande.
En Valais, "une structure d’urgence sous forme de "containers habitat" sera disponible dès le mois de septembre sur le domaine des Barges à Vouvry avec une capacité de 100 à 200 personnes", a précisé Roger Fontannaz, chef de l’office cantonal de l’asile, à la RTS.
Dans le canton de Vaud, plusieurs pistes sont sur le point de se concrétiser: "ce sont des constructions modulaires et temporaires. Nous travaillons sur plusieurs projets qui pourraient chacun héberger 50 à 100 personnes", a expliqué Erich Dürst, directeur de l'Etablissement vaudois pour l'accueil des migrants (EVAM), qui rappelle que ces projets sont dépendants de l'offre sur le marché, ce type d'hébergement étant fortement sollicité en Europe. Enfin, le Département de la cohésion sociale genevois indique que "la construction de bâtiments préfabriqués est à l’étude".
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Logement en caserne envisageable?
Une autre solution d'hébergement serait envisageable: les dortoirs militaires. Le 21 juin dernier, lors d’une séance de travail avec le SEM, plusieurs cantons ont exprimé le souhait de loger les réfugiés dans des casernes de l’armée (mais pas dans des abris souterrains). Cet appel a été relayée à l’Etat-major de crise de l’asile, où siège l’armée. Pour l’instant, les autorités fédérales n’ont pas donné suite à cette demande. En effet, selon le concept d’urgence de l’asile, en cas d’afflux massif de migrants, les casernes militaires sont dédiées à l’usage de la Confédération uniquement, c’est-à-dire aux besoins du SEM. Les cantons peuvent de leur côté utiliser des abris antiatomiques. Mais ils n'en veulent pas pour les familles ukrainiennes.
L'armée avance également que les besoins des cantons ne sont pas adaptés aux structures militaires. "Lorsque les gens arrivent en Suisse, ils sont hébergés à long terme par les cantons", explique Stefan Hofer, porte-parole de l'armée. "Cela signifie que, pour le court terme, nous pouvons mettre à disposition des halles de sport et, de temps en temps, un logement, comme c'est le cas actuellement aux Rochats (VD) ou au Glaubenberg (entre LU et OW). Mais un hébergement à long terme dans les infrastructures militaires n'est pas possible parce que nous utilisons ces casernes pour les écoles de recrues et pour les cours de répétition, et si nécessaire aussi pour des opérations de l'armée."
A noter que, selon des informations de la RTS, la directrice du SEM va rencontrer cette semaine des représentants du Département fédéral de la défense, afin d’aborder ce dossier et tenter de trouver un éventuel terrain d’entente.
Ne pas oublier ceux déjà présents
Ariane Daniel Merkelbach, la directrice de l'aide aux migrants à l'Hospice général (l’institution genevoise d'action sociale), explique dans Forum que la Suisse a déjà accueilli quelque 59'000 personnes, dont environ 3000 dans le canton de Genève, et que les arrivées pourraient se chiffrer à 120'000 d’ici la fin de l’année. En raison de ces chiffres, les requêtes des cantons lui paraissent justifiées. "Malgré leurs efforts, les cantons n’arrivent pas forcément à conjuguer l’hébergement des Ukrainiens avec celui des requérants d’asile de la filière 'asile'", affirme-t-elle.
Elle ajoute que l’essentiel des Ukrainiens sont hébergés chez des particuliers. A Genève, il s'agit d'environ 2200 réfugiés. "Si ces familles d’accueil devaient se fatiguer ou se décourager - ce qui peut être possible sur la durée –, ce sont des milliers de personnes à l’échelle suisse qu’il faudrait de nouveau pouvoir loger dans des structures collectives", dit-elle.
Ariane Daniel Merkelbach ajoute que le SEM estime que 40% d'entre elles pourraient devoir être relogées par les cantons."Chez nous (à Genève, ndlr.), cela ferait un peu moins de mille personnes. Mais c’est quand même mille places à trouver, en sus de toutes celles qu’il faudra trouver pour assurer toutes les personnes qui arriveront d’ici la fin de cette année", souligne-t-elle.
Marc Menichini/iar/ami