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Face à la guerre en Ukraine, les Suisses veulent une sécurité renforcée, selon un sondage

Une large majorité des sondés souhaite une armée très bien formée et entièrement équipée. [Keystone - Ti-Press/Pablo Gianinazzi]
Les Suisses sont pessimistes quant à la sécurité du pays, selon une étude / Le 12h30 / 1 min. / le 14 juillet 2022
La guerre en Ukraine provoque un sentiment d'anxiété croissant au sein de la population suisse. Alors que le soutien à la neutralité s'effrite, la volonté de se rapprocher de l'Otan grandit. De même, le souhait de renforcer l'armée s'intensifie, indique un sondage publié jeudi.

Depuis que la guerre a éclaté en Ukraine, les Suisses et les Suissesses se disent de plus en plus inquiets pour l'avenir de leur pays. Entre les mois de janvier et de juin, la part des optimistes a en effet baissé de 8 points de pourcentage pour atteindre 78%, selon l'étude menée par l’Académie militaire (ACAMIL) et le Center for Security Studies (CSS), rattachés à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich.

A l'inverse, les personnes qui considèrent le futur de la Suisse avec pessimisme représentent désormais un cinquième de la population, soit le plus au niveau de ces huit dernières années. Un constat qui se vérifie surtout chez les retraités et les habitants des campagnes.

Le constat est encore plus sombre concernant l'avenir de la politique mondiale. Au total, 76% (+8 points de pourcentage), se disent pessimistes pour les cinq prochaines années. Cette appréciation est partagée par tous les groupes d'âges. Des chiffres qui reflètent l'instabilité qui règne actuellement en Europe, due à la guerre en Ukraine.

Mais ce pessimisme ambiant ne se répercute pas sur le sentiment de sécurité générale. Celui-ci reste fort et se maintient à plus de 90% depuis plusieurs années.

Anxiété personnelle et de l'entourage

La guerre en Ukraine a renforcé le sentiment d'anxiété chez plus d'un tiers des Suisses. Ce sont surtout les personnes âgées de 65 ans et plus qui, avec une part de 45%, se sentent nettement plus souvent anxieuses que le reste de la population. Un sentiment aussi marqué en Suisse romande (41%) et au Tessin (54%), alors qu'il se situe à environ 30% chez les Alémaniques.

Les sondés ont aussi été appelés à évaluer le degré d'anxiété de leur entourage. La moitié estime que leurs proches sont plus anxieux depuis le début du conflit.

Légère hausse de confiance en l'armée

L'armée est-elle nécessaire? A cette question, 80% des sondés ont répondu par l'affirmative, un taux légèrement supérieur à la moyenne décennale. Cette confiance se retrouve dans presque tous les groupes sociodémographiques, soit le sexe, les régions linguistiques et les niveaux de formation.

Seuls l'âge et les sensibilités politiques montrent des différences significatives. Les 18-34 ans sont en effet traditionnellement plus sceptiques quant à la nécessité de l'armée. Quant aux orientations partisanes, elles ne démontrent aucune surprise non plus: les sympathisants de droite soutiennent davantage l'armée que ceux de gauche.

Le taux de personnes souhaitant abolir l'armée, lui, a chuté à 10%, soit moins 4 points de pourcentage depuis le début janvier. Une majorité des participants au sondage souhaite également une "armée très bien formée" (89%).

De son côté, l'exigence d'une armée entièrement équipée n'a jamais été aussi bien accueillie (74%) et a encore augmenté de manière significative par rapport à janvier 2022, selon l'étude. Celle-ci précise que le conflit en Ukraine pourrait expliquer cette tendance.

Soutien au "soft power" et à un rapprochement avec l'Otan

Le sondage a aussi abordé la question du rôle de la Suisse en matière de coopération internationale et d'engagement humanitaire. Ces deux points restent largement soutenus. Au total, 78% des personnes interrogées se prononcent en faveur d'une médiation dans les conflits et 68% sont d'avis que leur pays devrait renforcer son aide au développement. Deux opinions qui n'ont pas changé depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Sur la question des liens entre la Suisse et l'Otan, seule une minorité (27%) réclame une réelle adhésion à l'organisation. Cette part est toutefois significativement supérieur à la moyenne (21%) des dix dernières années. Les soutiens à un rapprochement de la Suisse avec l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord sont aussi en augmentation. Plus de la moitié des sondés y sont désormais favorables.

Cette nouvelle hausse ne peut cependant pas nécessairement être attribuée à la seule invasion russe de l'Ukraine, notent les auteurs. Il pourrait également s'agir d'une tendance à plus long terme due aux incertitudes géopolitiques.

A l'inverse, 38% des participants approuvent le principe d'une totale autonomie militaire helvétique, et un tiers se dit d'accord avec l'idée que la Suisse devrait se tenir à l'écart de regroupements avec d'autres États.

Le soutien à la neutralité s'effrite

La guerre en Ukraine a suscité de nombreux débats autour de la neutralité suisse, notamment en regard des sanctions imposées à la Russie. Même si le soutien à ce principe reste très fort (89%), il a baissé de huit points de pourcentage depuis le début du conflit et se situe nettement au-dessous de la moyenne des dix dernières années.

Sans surprise, on constate un décalage entre les niveaux d'éducation, ainsi qu'entre les sensibilités politiques. Les sondés ayant un niveau d'éducation élevé se prononcent moins souvent en faveur du maintien de la neutralité que celles ayant un faible niveau d'éducation. De même, les sympathisants des partis de gauche sont significativement plus critiques envers le maintien de la neutralité que ceux de droite.

Contrairement aux années 2000, il n'existe plus de röstigraben sur cette question depuis une décennie.

Les sanctions contre la Russie approuvées

Les sanctions appliquées par la Suisse envers la Russie ont fait couler beaucoup d'encre et divisé le monde politique. L'étude montre que 77% des personnes interrogées sont tout à fait ou plutôt d'accord avec ces mesures. En outre, 71% sont également d'avis que les sanctions prises sont compatibles avec le principe de neutralité.

Seule une minorité (36%) est d'avis que la Suisse ne peut plus offrir ses "bons services" en raison du soutien apporté aux sanctions.

Mathieu Henderson

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Méthode

L’étude "Sécurité 2022" a été menée par téléphone, auprès de 1003 titulaires du droit de vote, entre le 30 mai et le 17 juin. La marge d’erreur est de plus ou moins 3,2 points de pourcentage.