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Besoin de vitesse? Le discutable business des bolides loués à la journée

Des voitures de luxe sont louées à prix cassés à de jeunes conducteurs. Enquête sur un phénomène légal mais discutable sur le plan sécuritaire
Des voitures de luxe sont louées à prix cassés à de jeunes conducteurs. Enquête sur un phénomène légal mais discutable sur le plan sécuritaire / 19h30 / 2 min. / le 23 juillet 2022
Sur les réseaux sociaux, de très jeunes conducteurs, en Suisse romande, s'exhibent au volant de voitures de luxe. Des véhicules souvent loués à prix cassés, en ligne, par des agences qui fixent peu de conditions. Légal, mais discutable pour la sécurité routière.

Ces grosses cylindrées – 400, 500, voire 600 chevaux – valent plusieurs dizaines de milliers de francs. Au volant: de très jeunes conducteurs, qui partagent leurs virées sur Instagram. "On a loué cette magnifique E63SAMG. Et franchement, moi, je vais vous dire un truc: c’est un film de cul pas possible. Bombe atomique! Full option, 612 chevaux", vante un jeune sur le réseau social.

Ces bolides sont des locations. Depuis un peu plus d’un an, des agences actives en Suisse romande et non enregistrées au registre du commerce proposent de louer ces voitures haut de gamme de manière ultra simplifiée. Le paiement se fait en cash, sans caution, pour des prix allant, selon le modèle, de 700 à 1000 francs par jour, des tarifs inférieurs à ceux du marché. Et surtout: sans aucune limite d’âge.

Inquiétudes parentales

Un père de famille a découvert avec stupéfaction qu’un de ses fils, jeune conducteur, louait régulièrement ces voitures de luxe avec ses amis. "Cela m’a choqué, j’ai été très surpris", déplore-t-il. "On dit: 'va te faire plaisir avec 560 chevaux, va-y, prends tous tes potes, vous êtes quatre dedans.' Ils se torchent à une vitesse de 180 km/h. On a 4 morts. Et quand il y aura un drame, on se demandera comment ça se fait que des jeunes accèdent à ce genre de véhicules."

La RTS a contacté ces agences de location pour les confronter aux inquiétudes de ce père de famille. Aucune n’a souhaité répondre aux questions.

Légalement, rien n’empêche de louer ces voitures puissantes à de jeunes conducteurs, tant qu’ils ont 18 ans et un permis de conduire valable. Mais la majorité des agences de locations installées exigent un âge minimum ou un certain nombre d’années de permis. Si le business est légal sur le papier, il pose des questions de sécurité routière.

Insécurité routière

Sur le terrain, Philippe Guiauchain, sergent-chef de la police cantonale genevoise, contrôle régulièrement ces conducteurs inexpérimentés au volant de voitures louées, notamment lors de rendez-vous de tuning.

Il cite l’exemple d'un jeune automobiliste qui a perdu la maîtrise de son véhicule et s’est encastré dans un autre véhicule. "Ce sont des véhicules qui sont puissants et qu’il faut maîtriser avant d’en exploiter toute la puissance. On ne peut pas les confier à des conducteurs sans expérience. Le problème, c’est qu’ils ont des comportements inadéquats sur la route, de fortes accélérations, des excès de vitesse massifs. Ils ne s’en privent pas", déplore-t-il.

Questions d'assurance

Autre problématique selon Philippe Guiauchain, la question de l’assurance: "Souvent ces véhicules sont en leasing. Un leasing n’est pas censé être loué ou sous-loué. Parce que la société qui finance le véhicule finance une personne. Donc, ces sous-locations ne sont pas annoncées à la société de financement", explique-t-il.

"Et vous avez un autre problème: les assurances qui couvrent le véhicule sont en lien avec le preneur d’assurance. Je pense que si l’assurance venait à être au courant que le véhicule passe de main en main, cela poserait également un problème", ajoute le policier.

Au niveau politique, à Berne, une motion a été déposée au Parlement, pour limiter le nombre de chevaux en fonction de l’âge.

Enquête TV: Flore Amos

Adaptation web: Antoine Michel

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