Cet impôt anticipé sur les obligations consiste en un prélèvement de 35% sur les intérêts versés aux investisseurs. Une société étrangère qui prêterait de l'argent à une société immobilière suisse pour l'acquisition d'un immeuble, par exemple, recevrait en retour des intérêts amputés de plus d'un tiers.
C'est pourquoi les investisseurs étrangers ne se bousculent pas au portillon. D'autant qu'ils ne sont pas certains de pouvoir récupérer après coup l'entier de la somme prélevée, pour des raisons à la fois juridiques et pratiques. Et la société immobilière suisse va donc être incitée à lever ses fonds depuis Londres ou Luxembourg pour éviter cet impôt anticipé.
"Entrave à l'émission d'obligations"
Lors de la campagne, le conseiller fédéral Ueli Maurer a défendu ce qu'il a présenté comme une "mini-réforme". Le chef du Département fédéral des Finances (DFF) estime que cet impôt constitue une entrave importante à l'émission d'obligations en Suisse.
Il a rappelé que la loi soumise au peuple ne concerne qu'une petite partie de l'impôt anticipé, soit moins de 5%. Elle n'aura donc un effet que sur une petite partie des recettes fiscales. L'impôt sur les dividendes, qui constitue une grande partie des rentrées fiscales, sera maintenu.
>> Lire : Ueli Maurer défend la "mini-réforme" de l'impôt anticipé soumise à votation
Les partisans de la réforme soulignent que les entreprises pourront se financer meilleur marché et ainsi réinvestir l'argent économisé dans l'économie.
"Un camouflet aux travailleurs honnêtes"
La gauche et les syndicats, dont le référendum a abouti en avril dernier, dénoncent l'abolition de l'un des rares impôts qui touchent encore les grandes entreprises et les personnes les plus fortunées. Ils parlent de "cacahuètes" et estiment que les PME ne profiteront pas de la réforme.
Seules quelque 200 grandes entreprises se financent de cette manière sur le marché des capitaux, disent-ils. Et ce serait, aux yeux des référendaires, un camouflet aux travailleurs honnêtes qui paient impôts et taxes sur tous les produits de consommation, leurs salaires et leurs retraites.
Bon pour la place financière suisse?
Pour l'UDC Ueli Maurer, supprimer cet impôt anticipé reviendrait à "donner un signal positif en faveur de la place financière suisse", à l'heure de la réforme fiscale de l'OCDE qui prévoit une imposition minimale des grandes entreprises à 15%.
De fait, son abolition profitera vraisemblablement à la place financière, grandes banques en tête. Celles-ci voient dans ce projet une belle occasion d'attirer des gros investisseurs étrangers et de développer le marché suisse des capitaux.
Mais certains spécialistes relativisent cette perspective. Selon eux, le marché suisse est tellement amorphe qu'il mettrait des années avant de décoller. C'est seulement sur la durée, à long terme, que la donne pourrait changer.
Désaccord sur les chiffres
Ueli Maurer et le DFF se sont attachés à relativiser la baisse de recettes fiscales induite par la réforme, compte tenu des opportunités de croissance et du potentiel de recettes fiscales supplémentaires.
Si les conditions économiques restent stables et que la faiblesse des taux d'intérêt persiste, les diminutions sont estimées à long terme entre 215 et 275 millions de francs par an.
Le Parti socialiste, lui, table sur des pertes beaucoup plus importantes, de l'ordre de 600 à 800 millions de francs. Comme souvent sur les sujets fiscaux, il y a donc désaccord sur les chiffres.
>> Lire : Les pertes liées à la suppression de l'impôt anticipé pourraient avoir été sous-évaluées
oang avec Guillaume Meyer