Publié

Face à la pénurie de don du sang, certains pays assouplissent leurs critères d'éligibilité

Les stocks de sang sont en baisse dans plusieurs pays suite à la pandémie du Covid-19. [Keystone - Laurent Gillieron]
Dans certains pays, le don de sang devient plus accessible pour les hommes gays. / Tout un monde / 6 min. / le 18 août 2022
Une possible pénurie de sang guette de plus en plus les pays d'Europe, dont la Suisse. En cause: la pandémie de Covid-19. Les dons sont ainsi devenus plus espacés et le télétravail a rendu plus compliqué les collectes dans les entreprises. Pour pallier ce manque, certains pays assouplissent les critères d'éligibilité des donneurs.

Selon l'organisation Transfusion CRS, les stocks de sang du groupe O négatif sont dangereusement bas en Suisse, c'est-à-dire qu'il n’y a plus que deux jours de réserve en stock.

Face à ce risque de pénurie, les Hôpitaux universitaire de Genève (HUG) ont lancé fin juillet une nouvelle campagne de don. En parallèle, des propositions et des décisions sont prises pour faire évoluer les réglementations concernant les donneurs et donneuses.

>> Lire aussi : Les HUG organisent cet été une nouvelle campagne de don du sang

L'orientation sexuelle comme critère

En Suisse, pour pouvoir donner son sang, il faut être majeur, peser plus de 50 kilos, être en bonne santé, ne pas avoir subi certains traitements, ne pas consommer de drogue ou encore ne pas avoir changé de partenaire sexuel au cours des quatre derniers mois.

En ce qui concerne les hommes gays ou bisexuels, les critères sont plus stricts. La durée d'abstinence sexuelle doit être d'au moins un an. Pour rappel, jusqu’en 2017, ils étaient purement et simplement exclus du don de sang en raison du scandale du "sang contaminé" qui a éclaté dans les années 1980.

Flexibilité sur le statut des donneurs

Depuis, la science a avancé. Le 14 juillet dernier, la Commission européenne a fait une proposition de règlement pour "améliorer la sécurité et la qualité du sang, des tissus et des cellules". Une proposition qui permet, entre autres, plus de flexibilité sur le statut des donneurs, comme l'a expliqué l’un de ses porte-parole Stefan De Keersmaecker, jeudi dans l’émission Tout un monde.

"Avec cette nouvelle proposition, on se réfère aux organismes d'experts qui, eux, doivent établir les règles techniques afin d'identifier qui peut être donneur. Si les Etats membres introduisent des nouvelles restrictions, alors elles devront être réévaluées régulièrement, et elle devront se faire sur base scientifique et sans discrimination."

Cette proposition de la Commission européenne sera ensuite examinée et débattue au Parlement européen et au Conseil de l'Union européenne jusqu'à l'adoption d'un texte final.

Marge de manoeuvre nationale

Certains Etats membres n'ont toutefois pas attendu pour modifier leurs critères. Ainsi, la France a été l’un des premiers pays à abandonner le critère de l'orientation sexuelle dans le processus de sélection. Dans le droit français, le don de sang est désormais conditionné aux risques tels que le nombre de partenaires sexuels ou la consommations de drogue.

En Belgique, à partir de juillet 2023, le délai d’abstinence pour les hommes gays ou bisexuels passera lui de douze à quatre mois. Le Canada est également en train de faire bouger les lignes. Pendant la pandémie de Covid-19, le pays a perdu quelque 50'000 donneurs. Pour pallier ce manque, la Société canadienne du sang a demandé au Ministère de la Santé d’abandonner la période d’abstinence de trois mois imposée aux hommes qui ont des relations sexuelles avec d'autres hommes.

Une demande qui a été approuvée par le ministère en avril. Ainsi, à partir du mois de septembre, au plus tard, l'exclusion sera basée sur les comportements sexuels jugés risqués, et non plus sur l'orientation sexuelle.

La Suisse est en retard, estime Damien Cottier

Tous ces changements inspirent la Suisse, où la situation est pour le moment peu satisfaisante, estime Damien Cottier, conseiller national PLR neuchâtelois et auteur d'une interpellation aux Chambres fédérales pour dénoncer cette discrimination qui touche les homme gays en Suisse.

Le politique considère le délai de douze mois "beaucoup trop long par rapport aux connaissances scientifiques actuelles". "La Suisse pourrait parfaitement raccourcir ce délai, comme de nombreux pays l'ont fait, par exemple à une durée de trois ou de quatre mois", souligne-t-il dans Tout un monde.

Une révision de la loi allant dans ce sens est actuellement en discussion à Berne. Les hommes gays ou bisexuels pourraient ainsi avoir le droit de donner leur sang après quatre mois d'abstinence. Autre cas de figure: le même régime pourrait s'appliquer à tout le monde, c'est-à-dire un délai de quatre mois après un changement de partenaire.

Pauline Rappaz/hkr

Publié