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Les certificats médicaux "de complaisance", hantise des employeurs et des assureurs

Les certificats médicaux dits de "complaisance"
Les certificats médicaux dits de "complaisance" / Mise au point / 13 min. / le 21 août 2022
Une enquête de l’émission Mise au point de la RTS montre qu’il est facile d’obtenir un certificat médical sans souffrir de symptômes particuliers. Employeurs et assureurs dénoncent des médecins "complaisants" et tentent de lutter contre la pratique, souvent sans succès.

Un salarié en arrêt maladie juste avant d’être licencié. Une employée en congé maladie après une remontrance de son supérieur. Ce genre de situations est de plus en plus fréquente sur le marché du travail. Le PLR dénonce ces certificats médicaux dits "de complaisance" qui feraient perdre des millions chaque année aux employeurs et aux assureurs.

L’émission Mise au point de la RTS a tenté l’expérience chez plusieurs médecins et réussi à obtenir très facilement des certificats médicaux conduisant à des arrêts de travail prolongés. Première expérience sur OneDoc, nous avons choisi le premier médecin disponible sur la plateforme. Le jour du rendez-vous, nous prétendons souffrir de stress et de réveils nocturnes. Quelques questions sont posées par la médecin, sans auscultation. Un certificat maladie d’une dizaine de jours est pourtant délivré. "Il ne faut pas vous inquiéter si 10 jours cela vous paraît court. On va se revoir dans deux semaines et je pense que je vais prolonger", nous déclare alors la doctoresse.

Les tentatives suivantes sont tout aussi fructueuses. Chez deux autres médecins, nous évoquons un conflit au travail, source de malaise. Nous repartirons après quelques questions avec respectivement 12 et 20 jours d’arrêts. Enfin, chez un quatrième médecin, réputé "généreux" en matière de certificat, ce sera d’emblée un mois d’arrêt maladie, avec cette justification un peu surprenante : "Je vous mets un mois, comme ça il y a déjà une notion de longueur. Il faut que ce soit long pour que ce soit crédible. Et après on pourra changer. Vous verrez au fur et à mesure."

Une pratique difficile à cerner

La pratique est dénoncée par de nombreux médecins. Pour autant, pas question de condamner d’emblée les confrères. Pour Jacques André Haury, médecin ORL installé à Lausanne, le praticien n’est pas forcément responsable: "La relation thérapeutique s’établit sur la confiance réciproque. Le patient doit, à un moment donné, faire confiance à un professionnel de la santé parce qu’il n’a pas les compétences de tout comprendre mais en échange le médecin doit pouvoir faire confiance à son patient."

Il n’empêche, ce député vert'libéral en fait un cheval de bataille politique. Au parlement vaudois, il dénonce régulièrement les petits arrangements entre médecins et patients qui coûtent cher à l’ensemble du système. "Il y a une certaine clientèle qui cherche assez systématiquement à être dispensée de son obligation de travailler. Les médecins qui ont le certificat généreux ont, disons, une certaine notoriété parmi des gens qui recherchent ce type de certificats."

Des arrêts maladie prolongés peuvent être un véritable fléau pour les employeurs quand ils sont injustifiés. C’est l’expérience faite par Stéphane Maccaud, directeur de la maison "Les fils Maye", un des plus célèbres encaveurs du canton du Valais.

Récemment, il engage une nouvelle employée en fin de période d’essai. Dès le lendemain, elle fait parvenir un certificat médical d’une durée d’un mois. Et au terme de cette période, un nouveau certificat est envoyé, valable cette fois pour une durée de deux mois.

Pour le patron, il n’y a pas de doute, ce sont des certificats de complaisance: "Il n’y avait aucun signe qui laissaient penser que la personne était vraiment mal à ce point." Son doute est renforcé quand il voit son employée tout sourire sur Instagram, en sortie en peau de phoque. Pourtant, aucun moyen de prouver une éventuelle fraude. Contactée par la RTS, l’employée réfute toute fraude et affirme avoir été réellement malade.

Moyens de lutte limités

En cas de doute sur un certificat médical, il existe une procédure prévue par les associations patronales. Un employeur ou un assureur peut exiger une contre-expertise. Mais il est très compliqué de prouver d’éventuelles fraudes. L’avocat Henri Baudraz a défendu de nombreux patrons dans ce genre d’affaire, sans grand succès: "J’ai déposé une plainte pénale pour faux certificat. On a contacté le médecin, qui a eu l’air extrêmement étonné. Il a invoqué le secret médical. Et j’avais en face de moi le procureur qui m’a dit: Vous comprenez… le docteur a dit…"

Difficile d’agir et impossible de connaître précisément l’ampleur du phénomène. Selon des informations transmises par l’assureur AXA, un certificat sur dix fait l’objet d’une procédure de contestation. Quelques médecins sont particulièrement dans le viseur des assureurs. "Ce sont toujours les mêmes personnes, ce sont toujours les mêmes médecins", explique la psychiatre Sanja Vecerina, qui fait partie des experts qui travaillent pour des assureurs.

Du côté de la Fédération des entreprises romandes, on dit observer une nette augmentation des certificats litigieux et regretter qu’une minorité donne une si mauvaise image. "C’est vrai que, malheureusement, quelques cas de certificats de complaisance mettent à mal cette confiance que peuvent avoir tant les employeurs que les employés vis-à-vis du corps médical", confirme la directrice du département juridique et conseils de la FER Olivia Guyot Unger.

Elle dit recevoir de plus en plus d’appels de patrons désemparés et méfiants face à des employés impossibles à licencier. Car un employeur n’a pas le droit de renvoyer un employé malade, pour une durée qui peut monter jusqu’à 180 jours.

Dans le cas de l'encaveur "Les fils Maye", l’employée suspectée d’avoir fourni des certificats de complaisance a finalement été licenciée, au terme du délai de protection.

>> Regarder aussi la réaction de Pierre-Alain Fridez, conseiller national (PS/JU) et médecin généraliste de profession :

Invité Pierre-Alain Fridez
Invité Pierre-Alain Fridez / Mise au point / 3 min. / le 21 août 2022

Jérôme Galichet, Gilles Clémençon

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