"La montagne souffre et les glaciers pleurent, ce n'est pas en détournant les yeux qu'on peut le comprendre"
"Un de mes premiers souvenirs marquants en montagne, c'est quand je suis allée à la Mer de Glace à Chamonix avec ma famille. Je suis retournée là-bas récemment. En quinze ans, le niveau du glacier a baissé de façon marquante."
En racontant ce souvenir au micro de RTSinfo, Ann-Christin Nöchel dresse le constat d'une montagne qui change à un rythme de plus en plus rapide. "La montagne souffre et les glaciers pleurent", déplore cette accompagnatrice en montagne âgée de 28 ans, qui dit ressentir tristesse et impuissance face à cette évolution.
Une sécurité plus difficile à assurer
Au jour le jour, Ann-Christin Nöchel voit le réchauffement climatique peser sur "ses" montagnes. "Les glaciers sont vraiment en très mauvais état cet été, ils sont extrêmement secs, il n'y a pas assez de neige et ils sont en glace vive, avec des crevasses très ouvertes."
Cette situation cause évidemment des problèmes de sécurité, car des ponts de neige et des séracs menacent de s'écrouler. Avec la sécheresse, les couches de roches sont aussi instables et les chutes de pierres et éboulements sont fréquents cet été.
Les glaciers sont vraiment en très mauvais état cet été
La sécurité des personnes se rendant en montagne est ainsi de plus en plus difficile à assurer. Le nombre d'accidents est d'ailleurs important cet été, a déploré la police valaisanne vendredi dans un communiqué, précisant que de nombreuses victimes sont des alpinistes non-encordés, des personnes seules ou dans des groupes de deux ou trois. Et de lancer un appel à la prudence: s'encorder, assurer sa progression avec un équipement approprié, renoncer si on ne maîtrise pas les procédures et se faire guider par des professionnels.
Depuis deux ans, elle a ainsi réduit ses propres courses sur les glaciers et elle privilégie les courses sur des arêtes et des zones peu exposées aux chutes de pierres.
La sensibilisation, une dimension importante
Ann-Christin Nöchel estime aussi qu'il faut désormais faire évoluer sa profession d'accompagnatrice en montagne (voir encadré). Elle ajoute que sa profession ne consiste plus seulement à amener les gens d'un point A à un point B. Et si la dimension sécuritaire est importante, le plaisir ne doit pas être absent. "Le but est aussi de leur faire découvrir la nature, la faune, la flore, que ce soit le côté historique ou culturel."
L'habitante de Charmey (FR) estime toutefois que la partie sensibilisation est primordiale: "Dire aux gens ce qui est en train de se passer, comment et pourquoi les glaciers évoluent, est une partie très importante de notre travail." Elle ne pense pas que l'alpinisme et les activités en haute montagne vont s'arrêter, mais elles devront évoluer: "Si on ne va pas sur les glaciers, on peut en parler, on peut les voir."
Il faut continuer à aller en montagne, aller se confronter à la nature, aux éléments, au vivant. Cela permet de comprendre à quel point il est important de la protéger
"Ma façon de voir les choses peut sembler un peu alarmiste, mais j'aimerais aussi transmettre le message que la montagne reste fascinante, belle et accessible, même en Suisse", conclut Ann-Christin Nöchel. "Bien sûr qu'il faut continuer à aller en montagne, aller se confronter à la nature, aux éléments, au vivant. Cela permet de comprendre à quel point il est important de la protéger. Ce n'est pas en détournant les yeux que l'on peut le comprendre, c'est en y allant."
Propos recueillis par Pauline Burnier
Adaptation web: Frédéric Boillat
Accompagnateur de montagne, guide de montagne: les différences
En Suisse, comme en Europe, les professions en lien avec la montagne sont régies par des lois nationales. Ces règles définissent notamment le champ d’activité.
Un accompagnateur ou une accompagnatrice a ainsi le droit d’emmener des clients en moyenne montagne, uniquement sur des chemins balisés. Ils n’ont pas le droit d’amener des clients dans des endroits qui demandent du matériel d’aide à la progression.
Pour se rendre sur un glacier, il faut s’adresser à un guide de montagne. Dès qu’il faut réaliser des activités comme s’encorder, utiliser des crampons, un baudrier ou un piolet, cela devient le rôle du guide de montagne, qui a une autre formation que celle des accompagnateurs. A noter que les courses d’arêtes, les via ferrate, les excursions en haute montagne et les escalades sont également des activités qui demandent la présence d’un guide.