Aujourd'hui, les cantons qui connaissent précisément les quantités d'eau employées annuellement pour irriguer les cultures se comptent sur les doigts d'une main. Or, de telles données seront capitales pour planifier l'irrigation lors d'étés secs comme celui de 2022.
Car avec la recrudescence de périodes de sécheresse, les surfaces qui doivent être arrosées s'agrandissent, prévient Petra Schmocker-Fackel, hydrologue à l'Office fédéral de l'environnement (OFEV). "Il y a même des cultures qu'on n'irriguait pas, comme la vigne ou le maïs, et qu'on se met à arroser", précise-t-elle. Donc les besoins augmentent.
Coordonner les capacités locales
Ainsi, l'OFEV veut désormais disposer d'un état des lieux pour l'ensemble du pays. Les données sont en train d'être collectées, et les cantons auront désormais pour mission de quantifier l'eau consommée et l'eau disponible, a expliqué la directrice de l'OFEV Katrin Schneeberger mardi à l'occasion de la publication de la première étude d'ampleur nationale sur les eaux, synthèse de programmes d'observation nationaux, d'analyses cantonales et d'études scientifiques.
"Il y aura assez d'eau en Suisse à l'avenir, ça n'est pas le problème. Mais il n'y en aura pas partout et pour tous les usages", a-t-elle détaillé. Les réseaux d'approvisionnement vont donc devoir se connecter et s'entraider.
Il s'agit notamment de déterminer si les capacités d'irrigation sont suffisantes dans toutes les régions du pays, ou s'il est préférable - voire nécessaire - de développer davantage une agriculture qui ne demande pas d'irrigation dans certains endroits. "Et là où on doit arroser, il serait important de le faire de manière économe et efficiente", ajoute Petra Schmocker-Fackel.
Mieux anticiper les potentiels conflits
Par ailleurs, l'OFEV note qu'en mai dernier, le Conseil fédéral a décidé la création d'un système de détection et d'alerte précoce en matière de sécheresse, avec l'objectif de prendre des mesures suffisamment tôt et d'éviter des conséquences graves pour l'environnement et l'économie.
Ces préoccupations sont aussi au coeur des réflexions des professionnels du secteur, qui salue donc ce projet qui permettra de mieux s'adapter. Notamment en choisissant localement les variétés de cultures qui pourront être plus résistantes à la sécheresse. Et disposer de davantage de données sur les besoins en eau permet aussi de mieux anticiper les potentiels conflits lorsque la pluie se fait rare.
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Céline Fontannaz/jop/ats
La qualité de l'eau également sous la loupe de l'OFEV
La qualité de l'eau des lacs et des cours d'eau s'est améliorée dans certains domaines en Suisse, mais la situation reste "préoccupante", selon l'OFEV. Il y a encore trop de micropolluants et le réchauffement climatique nuit à la diversité de la faune et de la flore.
Grâce à des mesures prises ces dernières décennies, notamment dans l'épuration des eaux usées, seule une part limitée des polluants du milieu bâti finit aujourd'hui dans les lacs et les cours d'eau helvétiques, souligne l'étude nationale de l'OFEV. Les concentrations de phosphore dans les lacs ont diminué depuis les années 1980, et il est désormais possible de se baigner "sans risque pratiquement partout". L'étude relève aussi les progrès réalisés dans la revitalisation des cours d'eau et des lacs.
Reste que malgré les améliorations au niveau local, la qualité de l'eau ne répond pas en de nombreux endroits aux exigences minimales imposées par la loi. Les pesticides issus de l'agriculture et les médicaments présents dans les eaux usées urbaines polluent de nombreux petits et moyens cours d'eau. Les eaux souterraines sont elles polluées par le nitrate et les métabolites de pesticides, pointe le rapport.
Les dégâts à la diversité sont déjà manifestes: plus de 50% de toutes les espèces vivant dans les milieux aquatiques et riverains sont menacées ou déjà éteintes.
Pire sécheresse depuis un demi-millénaire en Europe
D'après une étude du Centre commun de recherche de la Commission européenne, fondée sur les travaux de l'Observatoire européen de la sécheresse (OED), l'Europe semble affronter en août sa pire sécheresse depuis au moins 500 ans, avec deux tiers du continent en état d'alerte ou d'avertissement, ce qui affecte le transport fluvial, la production d'électricité et les rendements de certaines cultures.
Ce rapport indique que 47% de l'Europe est en état d'avertissement de sécheresse, caractérisé par un manque d'humidité des sols, et 17% du territoire est en état d'alerte, ce qui signifie que la végétation et les cultures sont affectées.
Ainsi, les prévisions actuelles de rendement pour le maïs, le soja et le tournesol au niveau de l'UE sont inférieures respectivement de 16%, 15% et 12% à la moyenne sur cinq ans.
L'OED a indiqué que les pluies de la mi-août avaient atténué la sécheresse par endroits mais que dans certaines régions, elles avaient été accompagnées de fortes tempêtes occasionnant des dommages supplémentaires.