La Suisse ne produit pas de gaz naturel et ne dispose pas non plus d'installations de stockage saisonnier. En prévision de l'hiver prochain, des réserves supplémentaires devraient être constituées à l'étranger. Mais comme il existe un risque que celles-ci ne soient pas disponibles si une pénurie survient au niveau européen, il faut que la Suisse contribue à éviter une telle situation en prenant des mesures volontaires, avertit le gouvernement. En cas de pénurie, il faudra donc principalement agir en faisant baisser la demande.
La demande de gaz doit être réduite de 15% d'octobre 2022 à fin mars 2023 par rapport à la consommation moyenne des cinq dernières années. Berne suit ainsi l'Union européenne, qui s'est fixé le même objectif dès août.
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Remplacer le gaz par du mazout, même s'il est plus polluant
Pour le Conseil fédéral, c'est dans le domaine du chauffage qu'il y a actuellement le plus grand potentiel d'économie, car ce poste constitue les trois quarts du gaz consommé en hiver. Ménages, industrie, services et administration publique sont donc invités à baisser le thermostat. Un degré de chauffage en moins permet par exemple d’économiser 5 à 6% d’énergie, note le gouvernement. Une campagne d'information sera lancée fin août.
La commutation volontaire des installations bicombustibles du gaz vers le mazout est également encouragée. Elle pourrait permettre des économies maximales de 20% de la consommation totale.
Comme le mazout émet beaucoup de CO2, les entreprises qui commuteraient volontairement pourraient ne plus remplir leurs obligations de réductions d'émissions et ainsi ne plus être exemptées de la taxe sur le CO2. Des adaptations de l'ordonnance correspondante sont donc en préparation.
Télétravail encouragé
Le gaz étant aussi utilisé pour produire de l’électricité, le Conseil fédéral appelle également à débrancher les appareils et les ordinateurs non utilisés.
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L'administration fédérale devra montrer l'exemple. Outre les mesures mentionnées ci-dessus, ses sites pourraient être regroupés pour réduire le nombre de locaux à chauffer et le télétravail encouragé. Cantons, villes et communes sont invités à faire de même.
Les ménages consomment 40% du gaz
Les ménages consommant 40% du gaz naturel en Suisse, il est essentiel de les associer aussi à ces mesures, juge le gouvernement. Différentes variantes ont été étudiées, et quatre niveaux d'action décidés. Si les incitations ne portent pas leurs fruits, des restrictions voire des interdictions pourraient suivre (lire encadré).
Le Département fédéral de l'économie a été chargé de préparer les projets d'ordonnance d'ici au 31 août. Une consultation sera ensuite menée. Les ordonnances n'entreront toutefois en vigueur qu'en cas de pénurie déclarée ou imminente, relativise le Conseil fédéral. Les projets seraient adaptés en fonction de la situation.
Les économies d’énergie seront-elles suffisantes? Ecouter le débat entre Simone de Montmollin (PLR/GE) et Delphine Klopfenstein (Verts/GE) mercredi soir dans Forum:
ats/vic
Recommandations d'abord, contraintes ensuite
Le Conseil fédéral a établi quatre niveaux d'action en cas de pénurie de gaz.
Dans un premier temps, tous les ménages seront appelés à réduire leur consommation. Il s'agirait par exemple de baisser le chauffage.Si ces mesures sont insuffisantes, les installations bicombustibles seraient contraintes de commuter du gaz au mazout. Une telle mesure permettrait d'abaisser rapidement de 15 à 20% la consommation de gaz naturel, pointe le gouvernement.Si ces mesures restent insuffisantes, des restrictions voire des interdictions pourraient suivre. Les bâtiments publics ou les bureaux pourraient être obligés de limiter le chauffage et l'utilisation de gaz pourrait être interdite dans les domaines du sport, des loisirs, du bien-être, ou encore sur les terrasses.Dernière mesure envisagée: le contingentement. En cas de pénurie persistante, la consommation des installations monocombustibles pourrait être réduite par voie de contingentement. Tous les consommateurs seraient concernés à l'exception des clients protégés, à savoir les ménages et les services sociaux essentiels comme les hôpitaux ou les services de secours. Les entreprises contingentées auraient la possibilité d'acheter des contingents non utilisés via un pool. Les dommages pour l'économie pourraient ainsi être réduits, note le Conseil fédéral.
Simonetta Sommaruga: "La crise énergétique engendrée par la guerre en Ukraine est un signal"
La crise énergétique engendrée par la guerre en Ukraine "est un signal", a lancé mercredi la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga mercredi en présentant la stratégie du Conseil fédéral en cas de pénurie de gaz cet hiver. Pour elle, il faut d'une part produire plus d'électricité en Suisse, et d'autre part faire des réserves d'énergie.
Interviewée mercredi dans le 19h30 de la RTS, la cheffe du Département de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication a tenu à préciser d'emblée les raisons de la crise énergétique actuelle: "Nous sommes dans cette situation parce que la Russie joue avec le robinet de gaz".
"Aussi longtemps qu'il n'y a pas de situation de pénurie, il n'y aura pas de mesures coercitives pour la population", a-t-elle tenté de rassurer, sans se prononcer sur l'éventualité d'une obligation, pour les ménages, de baisser le chauffage cet hiver.
La conseillère fédérale a réitéré ses appels à accélérer le développement des énergies renouvelables en Suisse. "Je crois que tout le monde l'a compris, il faut maintenant aller beaucoup plus vite. C'est en augmentant la production propre d'énergie dans notre pays qu'on peut augmenter, et bien augmenter, la sécurité de l'approvisionnement", plaide-t-elle.