Intitulée "De l'électricité pour tous en tout temps. Stop au black-out", l'initiative populaire veut inscrire dans la Constitution que "toute forme de production d'électricité respectueuse du climat est autorisée".
La collecte de signatures doit commencer la semaine prochaine, selon Le Matin Dimanche et la SonntagsZeitung, et le texte de l'initiative sera publié mardi dans la Feuille fédérale officielle
Ne pas "interdire bêtement certaines technologies"
La stratégie énergétique de la Suisse, qui mise sur les importations en hiver, est un échec, indique dans les journaux dominicaux Vanessa Meury, présidente du Club Énergie Suisse, l'association à l'origine de l'initiative.
Et cette membre des Jeunes UDC d'expliquer la prise de position du comité: "Selon l’Office fédéral de la protection de la population, une pénurie d’électricité représente le risque le plus important, le plus coûteux et le plus dangereux pour la Suisse. Au lieu d’interdire bêtement certaines technologies, notre pays a besoin d’un approvisionnement en électricité sûr, respectueux de l’environnement et du climat, financièrement abordable et autonome."
Pour Vanessa Meury, construire une centrale en Suisse serait tout à fait possible si on lève l'interdiction: "La preuve, c’est qu’à l’étranger, plus de 50 réacteurs sont en construction et il existe de nouvelles technologies. Quant à la durée, si la Suisse s’en donne les moyens, elle peut raccourcir les délais. En fonction de la taille de la centrale, il est possible d’en avoir une en huit à quinze ans."
Initiative "de bons sens"
Questionné dans Forum, David Cardoso, président des jeunes PLR valaisans et membre du comité d'initiative, qualifie ce projet de "modéré" et estime qu'il s'agit d'une initiative "de bon sens". Il demande "une répartition claire des compétences pour l'énergie au sein du Conseil fédéral", car la Suisse aurait besoin "d’un leader dans l'énergie comme on l'a eu dans la santé pour la crise du coronavirus".
Il souhaite aussi "éviter le black-out" grâce à "un approvisionnement d’électricité autonome", sans "enlever une seule des cartes en mains du Conseil fédéral, surtout quand on parle d’énergie bas carbone", le nucléaire permettant aussi d'avoir "quelque chose à notre disposition en hiver, quand il n’y a pas de soleil ni de vent".
Le jeune PLR valaisan conclut en défendant que "l’énergie nucléaire est l’énergie la moins mortelle par térawatt-heure. Même le solaire, même l’éolien, n’importe quelle énergie est plus mortifère que le nucléaire".
Vers un soutien de la droite
Ce texte pourrait trouver un important soutien à droite. Il y a un an, l'UDC avait en effet annoncé vouloir relancer le nucléaire, y voyant un "pilier fiable" de l'approvisionnement de la Suisse. Et, en février, l'assemblée du PLR a adopté une résolution visant à ne pas fermer la porte à l'atome, certes au terme d'un débat sous tension. A gauche, en revanche, on demeure fermement opposé au nucléaire.
>> Lire aussi : L'UDC se positionne sur le dossier énergétique et veut relancer le nucléaire et Le PLR ne veut pas fermer la porte à l'énergie nucléaire
Interrogé dans le 19h30, le président de l'Usam Fabio Regazzi se dit favorable en principe, mais il explique cependant qu'il faut rester "réaliste". Selon le conseiller national du Centre, "on ne peut pas imaginer résoudre le problème actuel de pénurie d'énergie avec cette initiative, parce que cela prendra beaucoup de temps. Et le problème est là, il est maintenant".
>> Lire aussi : Fabio Regazzi: "L'initiative sur le nucléaire prendra du temps, alors que le problème est là maintenant"
Egalement dans le 19h30, Damiano Lepori, président du Centre Fribourg, juge qu'il faut ouvrir un débat global sur l'approvisionnement énergétique et pas seulement sur le nucléaire. "Soyons responsables, ne soyons pas dogmatiques, soyons courageux et ne fermons la porte à aucune technologie qui nous permettra de sortir de cette impasse énergétique et d’aller vers des énergies vertes", estime-t-il.
La gauche s'insurge
Une alliance interpartis de parlementaires rejette d'ores et déjà "fermement" l'initiative sur le nucléaire qui va être lancée. Des conseillers nationaux PLR (Jacqueline de Quattro VD), du Centre (son président Gerhard Pfister ZG), du PS (Roger Nordmann VD), des Verts (Bastien Girod GE) et des Vert'libéraux (Jürg Grossen BE) défendent la Stratégie énergétique 2050, adoptée il y a cinq ans par les électeurs.
Pour Jacqueline de Quattro, conseillère nationale PLR vaudoise et vice-présidente de l'AEE, organisation faîtière des entreprises actives dans l'énergie renouvelable et l'efficience énergétique, cette initiative est une illusion. Elle est dangereuse pour la stratégie énergétique actuelle de la Suisse.
Interrogé dans Le Matin Dimanche, le chef du groupe socialiste aux Chambres fédérales Roger Nordmann pointe du doigt les dangers du nucléaire, relevant que "3% des centrales finissent leur vie par une avarie grave". Le Vaudois estime toutefois que le texte "n'a aucune chance", notamment parce que compte tenu des votes nécessaires, des recours et des délais liés aux travaux, il ne serait pas possible de compter sur une nouvelle centrale avant 2067. Et de souligner enfin le problème des déchets, qui n'est toujours pas résolu.
Sur Twitter, la conseillères aux Etats Adèle Thorens (Verts/VD) s'est de son côté insurgée, estimant que d'autres solutions existent: "Nos enfants et descendants devront déjà supporter les conséquences irréversibles de la crise climatique, faut-il encore leur léguer plus de déchets toxiques sur des milliers d'années?"
Isabelle Pasquier-Eichenberger, conseillère nationale écologiste genevoise, qui s'est exprimée face à David Cardoso dans Forum, a quant à elle pointé du doigt une initiative "particulièrement populiste" profitant de la crise et du débat sur l’énergie, "une initiative qui n’apporte absolument pas des solutions au problème".
Pour la conseillère nationale, "nous avons déjà un certain nombre de solutions", dont notamment la sobriété énergétique. En outre, toujours selon la Genevoise, "si on veut améliorer notre approvisionnement, l’énergie solaire sera bien plus rapide que l’énergie nucléaire". Enfin, la Verte a aussi mis en garde contre les dangers en cas d’accident et les graves problèmes de déchets que cause l'énergie nucléaire.
Interdiction depuis 2017
La construction de nouvelles centrales atomiques est interdite en Suisse depuis 2017 après une votation populaire. Et les quatre centrales nucléaires en activité voient leur date de fermeture se rapprocher, en partie pour une question de rentabilité, puisque leurs propriétaires doivent investir toujours plus pour garantir la sécurité.
Ce printemps toutefois, plusieurs organisations économiques avaient proposé de prolonger la durée de vie des centrales encore en fonction, quitte à financer les réparations avec l'argent public.
Également membre du comité d’initiative, l'ancien président du Forum nucléaire suisse Bruno Pellaud juge qu'il est possible de maintenir en activité les centrales actuelles, le temps d’en construire une nouvelle. "Aujourd’hui, on comprend bien leur comportement technique. Une durée de vie de soixante ou septante ans est réalisable en toute sécurité."
boi/furr avec ats