Dans le débat sur la réforme AVS 21, une chose est sûre: en travaillant une année de plus jusqu'à 65 ans, les femmes feraient économiser beaucoup d'argent à l'AVS. Selon les calculs de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), les dépenses seraient réduites de 10,4 milliards de francs sur les dix prochaines années (2024-2033). Même en déduisant le coût des mesures de compensation pour la génération transitoire, il resterait un effort de 7 milliards de francs fourni par les femmes et pas par les hommes.
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De quoi donner raison à la gauche, aux syndicats et aux mouvements féministes? Pas du tout, répondent les partisans d'AVS 21. Pour la droite et le centre, l'harmonisation de l'âge de la retraite pour toutes et tous est une question d'égalité. Ils rappellent que les femmes perçoivent leur rente une année avant les hommes, alors que ceux-ci meurent plus vite. A 65 ans, l'espérance de vie des femmes est en effet supérieure de presque trois ans à celles des hommes (22,7 ans contre 19,9 ans).
Cette situation se traduit dans les comptes de l'AVS. Les femmes représentent une minorité (46%) des personnes qui cotisent, mais une majorité (53%) des bénéficiaires. En considérant les sommes en jeu, la redistribution est encore plus flagrante: les femmes perçoivent 55% du montant global des prestations, tandis qu'elles ne versent qu'un tiers des cotisations (34%). Les hommes sont donc déjà fortement solidaires avec les femmes, soulignent les partisans de la réforme.
Si l'on s'intéresse aux rentes AVS proprement dites, force est de constater que le premier pilier est très égalitaire. A l'exception des femmes mariées dont l'époux n'a pas encore atteint l'âge de la retraite, la rente moyenne des deux sexes est quasi équivalente. Globalement, elle est même très légèrement supérieure pour les femmes, montre la statistique de l'AVS 2021. La conclusion de la droite se veut sans appel: il est raisonnable de demander aux femmes de travailler un an de plus.
Mais pour les référendaires, ce raisonnement est tout simplement trompeur. Ils accusent le camp d'en face d'invisibiliser les inégalités entre femmes et hommes. Il faut selon eux élargir la vision et prendre en compte les disparités de manière globale. Certes l'AVS est égalitaire, relèvent-ils, mais la prévoyance professionnelle ne l'est pas du tout. Dans le deuxième pilier, les femmes touchent 63% de moins que les hommes, selon une étude mandatée par l'OFAS et publiée en 2015.
Par conséquent, les rentes de prévoyance des femmes sont en moyenne 37% plus faibles que celles des hommes, soit une différence de près de 20'000 francs par an. Un rapport adopté cette semaine par le Conseil fédéral, fondé sur des données plus récentes, arrive peu ou prou au même résultat. "La rente annuelle totale moyenne des femmes en 2020 est de 18'924 francs inférieure à celle des hommes, ce qui correspond à un écart de rente de 34,6%", peut-on lire dans ce document.
Comment expliquer ces disparités dans le 2e pilier? Principalement parce que les femmes, pour des raisons souvent familiales, sont beaucoup plus nombreuses à quitter leur travail ou à opter pour un temps partiel. De plus, selon l'Office fédéral de la statistique, leur salaire est en moyenne 19% plus faible que celui de leurs collègues masculins, ce qui représente une différence de 1512 francs par mois. Près de la moitié de cet écart ne s'explique pas par des raisons objectives (âge, formation, expérience, poste occupé ou domaine d'activité), précise l'OFS.
Gauche, syndicats et mouvements féministes n'en démordent pas: tant que ces inégalités-là ne sont pas réglées, il est exclu de toucher à l'âge de la retraite. Les partisans de la réforme, de leur côté, reconnaissent que ces questions sont justifiées, mais estiment qu'elles doivent être traitées séparément. Cette fois-ci, la population est appelée à se prononcer sur l'AVS seulement, insistent-ils, et voter non ne résoudrait en rien les autres problèmes.
Alors, faut-il d'abord harmoniser pour les deux sexes l'âge de référence de la retraite ou en premier lieu régler les inégalités salariales entre femmes et hommes? Ce débat est extrêmement complexe. Que l'on adopte une perspective large ou plus restreinte, chaque camp dispose d'arguments valables. Le 25 septembre, c'est le peuple qui tranchera.
Sujets TV: Pierre Nebel
Adaptation web: Didier Kottelat