La lutte contre les arnaques aux marabouts doit s'intensifier, plaide un élu lausannois
Si le nombre de cas peut paraître modeste, c'est surtout la somme sur laquelle portent ces préjudices qui interpelle: 150'000 francs au total des 15 cas, soit une somme qui, par victime, peut s'avérer très conséquente.
En outre, pour la police vaudoise, ces cas ne représentent que la pointe de l'iceberg. Le phénomène serait en réalité plus important car certaines victimes n'osent pas porter plainte. Elles se taisent parce qu'elles ont honte ou encore par crainte que l'action du marabout ne soit plus efficace.
Les coupables de ces arnaques se présentent comme des voyants ou des médiums. Selon la police, ils sont d'origine africaine et viennent principalement de France. Ils prennent contact via des affichettes glissées dans les boîtes aux lettres, mais désormais aussi grâce à des sites internet. Quant au paiement, il doit souvent être envoyé à l’étranger.
En termes judiciaires, ces personnes sont généralement inculpées pour usure et escroquerie.
Faire revenir l'être aimé
Les victimes sont principalement des femmes en état de détresse émotionnelle et qui font souvent appel à ces marabouts pour faire revenir l’être aimé.
Afin d'éviter de se laisser entraîner dans un cycle de versements sans fin, la police recommande d'éviter de transmettre de fortes sommes d’argent à un marabout, et dans tous les cas pas plus que le prix d’une consultation standard dans le domaine de la voyance, soit quelques centaines de francs.
Un point commun avec les dérives sectaires
Face à ces arnaques en hausse, que peuvent faire les autorités politiques? Benoît Gaillard, conseiller communal socialiste à Lausanne, les enjoint à ouvrir les yeux sur le phénomène. Il réclame davantage de prévention et de répression de la part des pouvoirs publics, notamment de la Ville de Lausanne, et va prochainement déposer une seconde interpellation au Conseil communal.
"Il y a un point commun entre le maraboutage et les dérives sectaires, c'est le phénomène d'emprise. On entre dans la démarche pour y chercher des avantages et on s'aperçoit ensuite que sortir de cette démarche va procurer des désavantages. On commence à vous dire: 'si tu pars, tu vas avoir des problèmes'", explique l'élu jeudi dans le 12h30.
Tracer des lignes rouges
Pour lui, le fait que des personnes particulièrement vulnérables soient visées appelle à une réaction des autorités, d'autant plus que, en France et en Suisse alémanique, ces pratiques sont reconnues par les pouvoirs publics comme étant en augmentation. "Au milieu de cela, en Suisse romande, on a tendance à ignorer un peu la question des sectes ou de ces pratiques [de maraboutage] qui peuvent aller jusqu'à l'escroquerie ou la contrainte", regrette-t-il.
Comme pour les sectes vis-à-vis des religions traditionnelles, la limite est parfois difficile à tracer entre, par exemple, les voyants ou guérisseurs bien établis et les arnaques pures et simples. "C'est évidemment compliqué, mais face à une question compliquée, on peut soit renoncer (...), soit essayer de montrer quelques lignes rouges. Là, il s'agit d'activités où le risque, ensuite, de basculer dans quelque chose de pénal est plus élevé qu'ailleurs. Ca appelle de qualifier et d'encadrer différemment ces pratiques", plaide Benoît Gaillard.
Il s'agit d'activités où le risque, ensuite, de basculer dans quelque chose de pénal est plus élevé qu'ailleurs. Ca appelle de les qualifier et de les encadrer différemment
Il dresse trois priorités: documenter le phénomène, faire de la prévention face au risque présenté par les dérives sectaires et enfin encadrer, surveiller et peut-être limiter certaines pratiques.
Sujet et interview radio: Martine Clerc et Yann Amedro
Adaptation web: Vincent Cherpillod