Les "puffs" ont l'allure de marqueurs ou de rouge à lèvres et elles exhalent des parfums sucrés de fraise ou de chewing-gums, mais elles contiennent très souvent de la nicotine, une substance très addictive.
Un développement qui préoccupe les professionnels de la santé, à l'instar de la médecin cantonale genevoise Aglaé Tardin, interrogée mardi par la RTS dans l'émission A Bon Entendeur: "On est très inquiet. C'est une consommation qui s'est répandue et banalisée en quelques mois et ce sont des produits très, très dangereux. Ils ont cet aspect ludique, inoffensif, on dirait une sucrerie, on dirait un jouet, et pourtant ils sont beaucoup plus addictifs que la cigarette".
Inefficacité des interdictions
En Suisse, seule une poignée de cantons, essentiellement romands, interdit la vente de cigarettes électroniques aux mineurs. Parmi ceux-ci figurent Genève, Fribourg, Neuchâtel, Berne et le Valais (voir encadré).
Mais une série d'achats-mystères effectués en Suisse romande par l'émission A Bon Entendeur montre l'inefficacité de ces interdictions. Des adolescents de 14 et 15 ans ont été envoyés dans une série de magasins avec pour mission d'acheter des "puffs" sans mentir sur leur âge. Sur 17 commerces visités, sept leur ont vendu ces produits sans le moindre contrôle ni la moindre question, soit 41% des établissements testés.
Face à la montée du phénomène, Aglaé Tardin a récemment envoyé une missive à tous les marchands de tabac genevois, rappelant que les amendes encourues peuvent atteindre 40'000 francs. "On suppose qu'une partie des vendeurs au moins ne sont pas au courant de l'illégalité de la démarche", précise la médecin cantonale.
Pas d'interdiction dans le canton de Vaud
Dans le canton de Vaud, aucune interdiction ne prévaut et aucun projet de loi ne s'attaque au problème. Un "attentisme" dénoncé par la députée des Vert'libéraux Graziella Schaller.
Celle-ci est intervenue au Parlement cantonal en 2018 déjà pour réclamer l'assimilation de ces produits aux produits du tabac et ainsi interdire leur vente aux mineurs. "Quatre ans après, j'attends toujours la réponse du Conseil d'Etat", déplore-t-elle. "Il y a une sous-estimation totale de cette consommation par les jeunes et il faudrait une prise de conscience au sein des établissements et des autorités", plaide Graziella Schaller.
Plus de prévention
Le Jura est pour sa part sur le point d'interdire lui aussi la vente de cigarettes électroniques aux mineurs. La loi fédérale sur les produits du tabac devrait imposer l'interdiction de la vente de ces produits au niveau national en 2024.
Mais pour Luciano Ruggia, directeur de l'Association suisse de prévention du tabagisme, cela ne va ni assez vite ni assez loin. A ses yeux, il faudrait d'ores et déjà "faire beaucoup plus de prévention et d'information auprès des parents, des profs et des éducateurs pour qu'ils comprennent véritablement de quoi il s'agit", alerte-t-il.
Sujets TV et radio: Valérie Demierre, Linda Bourget et Marc Menichini
Adaptation web: Hélène Krähenbühl
Genève, l'un des rares cantons à sévir contre des revendeurs
Le contrôle du marché de la cigarette électronique jetable est un véritable casse-tête pour les autorités. Genève est l'un des rares cantons à avoir sévi contre des revendeurs: une dizaine ces six derniers mois, a appris la RTS. En cause: la vente de produits contenant trop de nicotine.
En effet, la quantité de nicotine contenue dans ces petites barres de plastique colorées ne doit pas dépasser les vingt milligrammes par millilitre. Or, selon les milieux de la prévention, on peut se procurer des produits avec jusqu'à cinq fois plus de nicotine. Ces six derniers mois, le chimiste cantonal genevois Patrick Edder a identifié une dizaine de cas. "On est allé dans les commerces pour les retirer et on a sensibilisé nos inspecteurs pour qu'ils vérifient les teneurs en nicotine dans ce type de cigarettes", a-t-il expliqué mardi dans La Matinale.
Mais surveiller les revendeurs est une chose, encore faut-il identifier et punir les importateurs de ces produits illégaux, ce qui nécessite souvent une coopération intercantonale.
Autre écueil: la vente de ces cigarettes électroniques jetables sur des sites internet dédiés ou via les réseaux sociaux. Une situation qui est compliquée, voire impossible à surveiller, explique le chimiste cantonal genevois. "Si le site appartient à un responsable suisse, on peut agir, mais s'il est basé en dehors de l'Union européenne, on ne peut rien faire."
A Neuchâtel, le chimiste cantonal Yann Berger indique que des contrôles viennent d'être introduits lors des inspections des commerces proposant ce genre de produits. Pour l'heure, un seul cas a été dénoncé.