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"Personne n'a vraiment intérêt à changer ça", estime Gerhard Pfister à propos des primes

L'invité de La Matinale (vidéo) - Gerhard Pfister, président du Centre
L'invité de La Matinale (vidéo) - Gerhard Pfister, président du Centre / La Matinale / 11 min. / le 28 septembre 2022
Sans grande surprise, les primes d'assurance maladie repartent à la hausse, après l'annonce mardi du Conseil fédéral. Pour le président du Centre et conseiller national Gerhard Pfister, interrogé dans La Matinale, le système est "bloqué" et n'est pas prêt de "changer".

Les réactions à l'annonce d'Alain Berset concernant la hausse des primes maladie de +6,6% n'ont pas tardé à fuser: acteurs politiques et de la santé, chacun y va de ses critiques et de ses solutions pour endiguer la hausse des coûts de la santé.

A défaut de pouvoir juguler les coûts de la santé, les acteurs politiques sont désormais contraints d'agir sur les conséquences, à l'image du Parti socialiste qui veut limiter le montant des primes à 10% du revenu.

Chez les politiciens helvétiques, une sorte de fatalisme se fait désormais ressentir face à ces hausses des primes. Le président du Centre Gerhard Pfister n'y échappe pas: "J'en ai marre, comme presque tout le monde dans le monde politique", déclare-t-il au micro de La Matinale.

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Le rôle des lobbies (encore) pointé du doigt

"Rien ne change. Le système de santé en Suisse a une qualité exceptionnelle, mais c'est devenu beaucoup trop cher. Et personne parmi les participants du domaine - les assurances, les médecins, les hôpitaux et les cantons - n'a un grand intérêt à réduire les coûts", constate le conseiller national zougois.

Gerhard Pfister pointe surtout du doigt l'influence extrêmement forte des lobbies dans la Berne fédérale. "Depuis que je suis au Parlement, et notamment lorsque j'étais dans la commission responsable des questions de santé, je n'ai jamais vu une telle influence des lobbyistes de tous bords, sur tous les détails. Ces groupes d'intérêts ont des préoccupations divergentes, mais au final, vous avez toujours des alliances de ceux qui ne veulent pas de changements. Le système est bloqué", estime le président du Centre, qui dénonçait cet été les parlementaires à la botte des cartels de la santé.

A la fin, le peuple aura le dernier mot et des initiatives seront acceptées

Gerhard Pfister, président du Centre

L'ancien Parti démocrate-chrétien a proposé à Berne un mécanisme de frein aux coûts de la santé. Le projet peine à convaincre sous la Coupole. "Tout le monde est contre ça. Et pourtant, tout le monde me dit: 'Tu as raison, il faut faire quelque chose...mais pas chez moi, chez les autres'. C'est un grand problème", explique encore le Zougois, qui se montre très pessimiste pour l'avenir.

A défaut de changement via le législatif fédéral, la solution pourrait venir du peuple, imagine Gerhard Pfister. "Le Parlement est incapable de proposer des solutions. Heureusement en Suisse, on a la chance d'avoir la démocratie directe. A la fin, sans action politique à Berne, des initiatives proposeront des solutions qui seront acceptées par la population. C'est elle qui aura le dernier mot."

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Médicaments et médecins spécialistes

Le Conseil fédéral a récemment proposé un projet de réduction des coûts de la santé, dont une des mesures phares - le prix de référence des médicaments - a disparu du premier jet. Ce système aurait pu permettre d'économiser entre 300 et 500 millions de francs.

Interrogée à ce sujet dans La Matinale, la directrice de Santésuisse - la faîtière des assurances maladie - Verena Nold confirme: "En Suisse, on paie les tarifs les plus chers d'Europe. Les génériques, par exemple, coûtent le double par rapport à l'étranger. Il faut absolument descendre les prix. Et de l'autre côté, on a aussi beaucoup de médecins spécialistes, surtout dans les villes. On sait que plus il y a de médecins, plus les coûts de la santé et les primes augmentent."

Chaque année en Suisse, entre 5% et 12% de la population change d'assurance maladie, selon les chiffres diffusés par l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Ce taux relativement faible empêcherait notamment de faire jouer correctement la concurrence entre les caisses maladie.

Un avis que ne partage pas Verena Nold, pour qui "la concurrence marche absolument". Selon elle, plus les primes augmentent, plus les gens changent d'assureurs. "Avec cette forte augmentation, je pense que les gens vont changer beaucoup plus qu'avant", estime-t-elle.

Propos recueillis par David Berger et Benjamin Luis

Adaptation web: Jérémie Favre

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