Première difficulté: le nom. L'administration fédérale a opté pour un patronyme à consonance anglophone, gov.ch. Une solution qui se veut neutre: "Il faut utiliser un nom qui fonctionne dans toutes les langues officielles de la Suisse", explique la Chancellerie.
Celle-ci précise toutefois que tous les posts ne seront pas forcément déclinés en français, en allemand, en italien et en romanche.
Autre difficulté, la représentation des sept conseillers fédéraux. "Tous les départements seront représentés, mais comme pour toute communication du Conseil fédéral, pas nécessairement de manière égale", indique le bureau du chancelier.
Trouver le bon ton
Concrètement, les publications seront gérées par une dizaine de personnes environ. La même équipe qui s'occupe déjà des autres plateformes officielles comme Youtube par exemple. "Le compte vise à informer sur les dossiers, les décisions et les évènements principaux du Conseil fédéral, tout en respectant les intérêts du public-cible", rapporte l'administration.
Ce public est majoritairement composé de jeunes âgés de 16 à 35 ans. Il faudra donc trouver le bon ton et, surtout, le bon équilibre entre divertissement et information, estime de son côté Matthias Lüfkens, expert en diplomatie digitale: "Certains leaders politiques en Europe n'hésitent pas à poster des selfies sur leur compte Instagram. Je pense que le gouvernement peut avoir une touche d'humour. Il faut un bon équilibre entre infographies et les à-côtés du Conseil fédéral pour que le compte soit intéressant, informatif et, surtout, divertissant."
Première photographe officielle
Avec Instagram, les publications seront forcément très visuelles, avec des photos et des vidéos. Et pour cela, l'arme secrète du Conseil fédéral s'appelle Béatrice Devènes.
Cette Valaisanne de 55 ans sera la première photographe officielle du gouvernement. Le spécialiste Matthias Lüfkens salue cette stratégie. Mais attention, dit-il, il faudra éviter les images trop institutionnelles ou ennuyantes: "Je souhaiterais voir une ligne éditoriale où il n'y a pas beaucoup de serrage de mains par exemple."
Il prend l'exemple de l'ancien photographe officiel de la Maison Blanche sous Barack Obama, Pete Souza: "Ce qu'il a fait sur Instagram était magnifique. Il faut quelqu'un comme lui, qui gère le compte de manière artistique."
"Il n'est pas trop tard pour se lancer"
Reste cette question: lancer un compte Instagram en 2022, n'est-pas un peu tard? Oui, admet la Chancellerie. Elle rappelle d'ailleurs qu'en 2018, 80% des gouvernements des pays de l'ONU avaient déjà un compte. "Mais il n'est pas trop tard", insiste-t-elle. "Parmi les jeunes, Instagram est de loin la plateforme la plus appréciée pour s'informer actuellement."
Et de préciser: "Les réseaux sociaux ont de plus en plus d'influence sur la formation de l'opinion. Le Conseil fédéral entend fournir des informations à des pans de la population qu'il n'atteint plus guère par les autres canaux d'information. Par leur présence, le Conseil fédéral et l'administration fédérale peuvent fournir des informations non faussées et contribuer à limiter les campagnes de désinformation."
A noter que le Conseil fédéral prévoit aussi d'ouvrir, cette année encore, un fil Twitter en anglais, destiné au public international. En revanche, aucun compte TikTok n'est prévu.
Mathieu Henderson