Après les pesticides, la pollution lumineuse est la deuxième cause de mortalité chez les insectes. Un manifeste d'un biologiste suédois, sorti la semaine passée et intitulé "Osons la nuit", s'attaque à la pollution lumineuse générée notamment par les éclairages publics. Le manifeste estime que cette nuisance est largement sous-estimée.
Interrogé dans La Matinale de la RTS, Edward Mitchell, directeur du laboratoire de biodiversité des sols à l’Université de Neuchâtel, partage ce constat.
"Les animaux nocturnes, typiquement les chauves-souris, peuvent être perturbés par un excès de lumière. Ils peuvent eux-mêmes être victimes de prédateurs qui les verront mieux à cause de la lumière ou être victimes d'une baisse de l'abondance de leur nourriture."
Une pollution comme une autre
Pascal Moeschler, ancien conservateur au Musée d’Histoire naturelle de Genève, est du même avis. Il compare la situation à l'épuration de l'eau dans les années 1960, où le but était de résoudre le problème de la pollution des lacs.
"Avec la lumière, c'est exactement la même chose. Une pollution, c'est un trop de quelque chose. Dans un pays comme la Suisse, on double les émissions lumineuses tous les 20 ou 30 ans."
"Il y a une possibilité d'aborder ces questions de façon positive, constructive et moderne. On a aménagé nos territoires en les pensant de jour, sous le soleil, et la nuit on éclaire tout. Il faudrait penser la nuit comme entité. Il faudrait penser notre environnement à parité entre le jour et la nuit."
De nombreux défis
En Suisse, villes et cantons cherchent des solutions pour diminuer cet éclairage, surtout pour faire baisser leur facture d’électricité. Il s'agit toutefois d'un casse-tête, car l'éclairage d'une rue passante ne s'éteint pas si facilement pour diverses raisons, notamment financières.
Corinne Willi, conseillère municipale en charge de l’éclairage public à Saint-Sulpice (VD), pointe d'autres défis. "On ne peut pas simplement appuyer sur un bouton."
"Quand on éteint l'éclairage public, il y a différents problèmes qui doivent être pris en considération, notamment les questions sécuritaires ou d'autorisation. Il s'agit aussi d'anciennes technologies. Notre éclairage public est majoritairement composé d'anciens luminaires, et c'est très compliqué de pouvoir éteindre des secteurs entiers."
Dans cette commune vaudoise, les autorités ont choisi de diminuer l'intensité des lumières. Seul un parc est éteint complètement la nuit, car il est équipé d’un vieil interrupteur.
Agir au lieu de réagir
François Thurrian, directeur romand de Bird Life, salue les initiatives des villes pour réduire leur empreinte lumineuse. Il regrette toutefois qu'elles aient attendu la crise pour agir.
"C'est seulement quand la pénurie menace qu'on commence à prendre des mesures. Certaines communes ont déjà réduit leur éclairage public, mais il s'agit d'une minorité. C'est seulement maintenant, alors qu'on a le couteau sous la gorge, que des mesures sont prises."
"Les pouvoirs publics doivent montrer l'exemple, les entreprises doivent aussi apporter leur pierre à l'édifice. On doit répartir les efforts, et pas seulement les faire subir aux citoyennes et citoyens."
Natacha Van Cutsem/asch