La Suisse laisse transiter des migrants en provenance d'Autriche vers ses pays voisins
Depuis le début de l'année, les migrants sont de plus en plus nombreux à entrer en Suisse à Buchs (SG), après avoir emprunté la route des Balkans et transité par l'Autriche. Chaque semaine, en moyenne, 700 personnes passent par cette localité frontalière du Liechtenstein et y sont contrôlées par les gardes-frontières helvétiques.
En principe, la Confédération devrait les refouler vers l'Autriche, en vertu du règlement de Dublin, élément central du régime migratoire commun européen qui détermine quel Etat est responsable de traiter une demande d'asile. Mais dans la pratique, elle les laisse poursuivre leur route. C'est ce qui ressort d'une enquête menée par la télévision alémanique SRF.
En effet, la Suisse a renoncé à ouvrir des procédure de renvoi à l'encontre de ces personnes, les jugeant longues et inefficaces. Au sortir du poste-frontière de la gare de Buchs, les voilà donc libres de circuler.
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Les CFF veillent au bon transit
Par ailleurs, les CFF joueraient un rôle actif dans le bon déroulement du transit de ces réfugiés à travers la Suisse. Des directives internes de l'entreprise établissent une marche à suivre pour les prendre en charge par le personnel de gare et la police ferroviaire. Il s'agit notamment de les rassembler dans le dernier wagon - afin de ne pas importuner les autres passagers, selon le document - et les diriger vers Zurich, d'où ils pourront se rendre à Bâle, vers la frontière française.
Pour Sarah Progin-Theuerkauf, professeure de droit européen à l'Université de Fribourg, ces pratiques contreviennent clairement au règlement de Dublin. "Les autres pays-membres de Dublin se manifesteraient probablement en disant que ce n'est pas possible de laisser passer les gens comme ça", estime-t-elle.
Vincent Chetail, directeur du Centre des migrations globales et professeur de droit international à l’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève, abonde. Dans une certaine mesure, la Suisse viole le système de Dublin, "mais elle n'est pas la seule", précise-t-il au micro de Forum. "Il y a une sorte de nonchalance généralisée vis-à-vis des accords de Dublin quand c'est dans l'intérêt des Etats concernés, en l'occurrence de la Suisse." Avant d'ajouter: "Si ces personnes voulaient se rendre directement à Berne ou à Genève, la loi serait plus fermement appliquée."
Les CFF déclinent toute responsabilité
Du côté des CFF, l'entreprise décline toute responsabilité, dans la mesure où les passagers en provenance d'Autriche sont munis de billets valables: "Nous ne faisons pas de politique. Nous conduisons des trains. Nous ne disons à personne où aller. Comme compagnie de transport, nous avons un devoir d’amener les voyageurs là où ils veulent", déclare une porte-parole, qui justifie par ailleurs l'existence de ces directives internes par la "situation exigeante du personnel sur place".
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À la frontière bâloise, les douaniers français empêchent tant bien que mal les migrants de monter dans les trains. Mais à force de persévérance, beaucoup y parviennent quand même. Et la Suisse, elle, n'a alors plus besoin de s'en préoccuper.
Julien Guillaume avec SRF
Texte web: Pierrik Jordan
Karin Keller-Sutter salue l'alignement de la politique des visas de Belgrade
Les ministres de l'Intérieur de l'UE ont discuté du nombre élevé de réfugiés et de migrants arrivant dans l'UE via la route des Balkans. Karin Keller-Sutter s'est réjouie que Belgrade veuille partiellement aligner sa politique de visas sur celle de l'espace Schengen.
Lors de cette rencontre à Luxembourg, on a vraiment nommé les causes de la situation, à savoir "que la politique des visas des Serbes en est responsable", a déclaré la conseillère fédérale.
S'il est vrai que la plupart des réfugiés qui entrent dans l'espace Schengen via la route des Balkans viennent de Syrie et d'Afghanistan, le nombre de migrants en provenance de Turquie, de Tunisie, d'Inde, du Burundi et de Cuba a fortement augmenté depuis le début de l'année.
Problème, les personnes originaires de ces pays peuvent se rendre en Serbie sans visa. Nombre d'entre elles poursuivent ensuite leur route vers l'UE avec l'aide de passeurs. Mais elles n'ont pratiquement aucune chance d'obtenir l'asile dans l'espace Schengen.
Plus de 100'000 migrants via les Balkans
Selon l'agence européenne de surveillance des frontières Frontex, environ 106'400 réfugiés et migrants sans visa valable sont entrés dans l'UE par la route des Balkans au cours des neuf premiers mois de cette année, soit 170% de plus que l'année dernière à la même période.
Dans l'ensemble de l'UE, un peu plus de 228'000 personnes sont entrées sans visa valable au cours des neuf premiers mois, soit le chiffre le plus élevé depuis 2016.
Selon Karin Keller-Sutter, Belgrade a maintenant assuré qu'elle révoquerait d'ici la fin de l'année ses accords sur les visas avec la Tunisie, le Burundi, Cuba et l'Inde. Certes, le nombre de demandeurs d'asile a également augmenté en Suisse, mais celle-ci est avant tout un pays de transit.