Philip Grant: "Traquer les crimes de l'agression russe, c'est un travail qui va durer des décennies"
Attaques aveugles contre des zones peuplées de civils, massacre de Boutcha, utilisation d'armes à sous-munitions, ciblage de couloirs humanitaires. Depuis le début de la guerre, les accusations de crimes de guerre sont nombreuses à l'encontre de l'armée russe.
Pour Philip Grant, la situation actuelle doit permettre avant tout à la Suisse, mais également à de nombreux autres pays, de prendre la main et de commencer à juger ces comportements. "La Cour pénale internationale peut mener ce genre de procès, mais ce sont des procès qui sont longs, qui mobilisent énormément de ressources et d'énergie (...) A côté de cette Cour, les Etats ont aussi la capacité, même si les crimes ont été commis à l'étranger, d'arrêter, d'amener en jugement des auteurs d'atrocités", explique-t-il.
L'avocat ajoute qu'il s'agit surtout de "donner plus de moyens" à la justice, afin d'effectuer ces poursuites. Des compétences qui pourraient d'ailleurs d'après lui très vite servir: "j'ai lu qu'il y avait des membres du FSB (Ndlr. Services secrets russes) et du groupe Wagner qui commençaient à fuir, à se rendre à l'étranger et à demander l'asile. On ne sait pas du tout comment le conflit va tourner, et il faut se préparer à ça".
"Sauvegarder les preuves"
Mais si certaines personnes pourraient rapidement tomber dans les mailles du filet de la justice suisse ou européenne, la poursuite de la guerre continue à entraver très nettement la justice.
Philip Grant en est pleinement conscient et estime qu'il faudra s'armer de patience. "La temporalité du droit n'est pas la même que celle des conflits (...). En ce qui concerne l'agression russe, c'est un travail qui va certainement durer des décennies", détaille-t-il.
"Mais il faut en tout cas documenter, sauvegarder les preuves, faire un travail de sensibilisation envers les victimes et tenter de commencer à constituer les dossiers. Ce n'est pas forcément aujourd'hui qu'on obtiendra la justice, mais il faut s'y préparer", conclut-il.
Propos recueillis par Tania Sazpinar
Adaptation web: Tristan Hertig