"J’aimerais trouver un travail pour pouvoir payer moi-même mon appartement et ma nourriture." Tanya est arrivée en Suisse il y a plusieurs mois. Elle et son fils de 8 ans ont d'abord vécu dans une famille d'accueil avant d'emménager dans un petit studio à Morat (FR).
L'envie de travailler de cette maman se heurte toutefois à un problème principal: la langue. "Je dois apprendre l’allemand", explique-t-elle. "J’ai des cours cinq fois par semaine à Fribourg. Pour l’instant ce n’est pas très bon, mais j’apprends", sourit-elle.
L'intégration professionnelle des personnes qui ont fui l'Ukraine "se passe un peu plus lentement que ce à quoi on pourrait s'attendre", observe Etienne Guerry, du Service de l'action sociale de l'Etat de Fribourg. Dans son canton, 120 réfugiés ukrainiens travaillent. "En comparaison avec d'autres populations, c'est malgré tout un chiffre plutôt élevé", précise le responsable.
Plusieurs obstacles
Aux difficultés linguistiques s'ajoutent d'autres défis: "Il s'agit de migrations forcées", rappelle Etienne Guerry. "Cela signifie que ce n'est pas forcément dans leur projet de s'intégrer durablement en Suisse."
Le responsable relève également un autre facteur: "Ce sont principalement des femmes avec des enfants. Et les solutions de gardes sont plutôt limitées", explique-t-il, soulignant aussi que l'intégration pour les personnes avec permis S n'est pas obligatoire.
A l'heure actuelle, les statistiques du SEM montrent que l'hôtellerie-restauration est le principal secteur d'activité des Ukrainiennes et Ukrainiens qui ont fui la guerre.
Communication numérique
Mais trouver du travail sans parler le français ou l'allemand est possible. Oleksander par exemple a obtenu, il y a trois mois, un poste dans une entreprise spécialisée dans la construction bois à Orges (VD), près d'Yverdon.
"Il a travaillé il y a une vingtaine d'années au Portugal, donc il a quelques bases de la langue", explique son patron Jean-Marc Ducret. "Il passe aussi par Google Traduction lorsqu'il veut nous faire part d'un problème."
Comme la plupart de ses compatriotes en Suisse, Oleksander envisage son avenir avec incertitude: "J’aime ce travail. Mais, pour moi, la chose la plus importante, c’est que la guerre soit terminée. Et ensuite on verra."
Avenir incertain
Ce sentiment est partagé par Natasha Shaparieva, qui enseigne actuellement le français à des enfants et des adolescents ukrainiens à Vallorbe (VD): "Je me rends bien compte que je ne pourrai pas y retourner directement après la guerre". Elle vivait à Kharkiv: "Je pense que cela prendra des années pour reconstruire des infrastructures qui nous permettront de vivre en sécurité."
Son statut en Suisse reste également une inconnue: "Nous avons le permis S, or c'est possible que la Suisse demande aux Ukrainiens de quitter le pays après la fin de la guerre." Pour l'heure, cette protection temporaire court jusqu'au début mars 2023. Le Conseil fédéral doit communiquer prochainement s'il entend prolonger ce délai.
Guillaume Rey et Mathieu Henderson